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LUMINESCENCE (Juillet 1995 - numéro 7)
Or La très vaine divinité universelle sans extérieur
ni pompes - Pas, l'instant venu ostentatoire - Qu'une Banque s'abatte, du vague, du médiocre, du gris. Le numéraire, engin de terrible précision, net aux consciences, perd jusqu'à un sens. Aux fantasmagoriques couchers du soleil quand croulent seuls des nuages, en l'abandon que l'homme leur fait du rêve, une liquéfaction de trésor rampe, rutile à l'horizon: j'y ai la notion de ce que peuvent être des sommes, par cent et au delà, égales à celles dont l'énoncé, dans le réquisitoire, pendant un procès financier, laisse, quant à leur existence, froid. L'incapacité des chiffres, grandiloquents, à traduire, ici relève d'un cas; on cherche, avec cet indice que, si un nombre se majore et recule, vers l'improbable, il inscrit plus de zéros: signifiant que son total équivaut spirituellement à rien, presque. Fumée le milliard, hors le temps d'y faire main basse: ou, le manque d'éblouissement voire d'intérêt accuse qu'élire un dieu n'est pas pour le confiner à l'ombre des coffres en fer et des poches. Aucune plainte de ma badauderie déçue par l'effacement de l'or dans les circonstances théâtrales de paraître aveuglant, clair, cynique: à part moi songeant que, sans doute, en raison du défaut de la monnaie à briller abstraitement, le don se produit, chez l'écrivain, d'amonceler la clarté radieuse avec des mots qu'il profère comme ceux de Vérité et de Beauté.
Stéphane Mallarmé, Divagations |