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C'ETAIT DEMAIN (Novembre 1996 - numéro 11)
Nous nous proposons, dans cette nouvelle rubrique, de mettre en mémoire les prévisions des experts en tous genres pour le court, le moyen ou le long terme qui émaillent le débat public. On a vite fait d'oublier ces prévisions et on les confronte rarement avec les données observées, au moment où l'on peut tenter de le faire. À échéance, Pénombre rapprochera les perspectives des uns et des autres et la «réalité» et cherchera à analyser les écarts. Croissance du produit intérieur brut (PIB), taux de chômage, réduction des déficits de l'État, réduction des impôts, trou de la sécurité sociale, les thèmes ne manqueront pas
Des parents terribles aux enfants de rêve Prévisions 1 à 10. Yves Coppens, professeur au Collège de France sait voir loin: «Qu'on cesse donc de peindre l'avenir en noir! L'avenir est superbe. La génération qui arrive va apprendre à peigner sa carte génétique, accroître l'efficacité de son système nerveux, faire les enfants de ses rêves, maîtriser la tectonique des plaques, programmer les climats, se promener dans les étoiles et coloniser les planètes qui lui plairont. Elle va apprendre à bouger la Terre pour la mettre en orbite autour d'un plus jeune Soleil. Elle va comprendre le processus de l'évolution biologique et comprendre aussi que c'est l'éducation qui rend tolérant [ ]. Le progrès est une réalité bien vivante; il faut seulement quelquefois aller le chercher un petit peu plus loin que le bout de son nez! » (Le Monde du 3 septembre 1996). Nous ferons le point sur l'avancée (sic) de ces réalisations, pour les dix domaines cités, dans le n° 310 de la Lettre blanche, numéro spécial à paraître au «printemps» 2093. A commander dès maintenant chez votre libraire habituel.
Prévision n°11. Déficits publics: «le Premier Ministre (A. Juppé), a maintenant la certitude que le projet de finances pour 1997 respectera le critère de Maastricht concernant le taux maximum de 3% des déficits publics par rapport au PIB (après 4% en 1996) pour parvenir à la monnaie unique. Nous serons au rendez-vous» (Le Monde du 1er septembre 1996). Nous aussi
Prévision n°12. Demandeurs d'emploi: «l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que le nombre de demandeurs d'emplois pourrait progresser au minimum de 120'000 en 1997, pour atteindre, en fin d'année, la barre symbolique de 3,5 millions de personnes, au sens de l'ancien baromètre» (Le Monde du 1er août 1996). Ndr: fin juin 1996: 3'383'500 chômeurs (ancien comptage) - 3 065 600 (nouveau comptage), données corrigées des variations saisonnières (cvs).
Prions pour qu'ils aient raison Prévision n°13. Encéphalopathie spongiforme bovine. «l'ESB aura disparu des troupeaux britanniques d'ici quatre ans sans qu'un abattage massif soit nécessaire, indique un rapport international publié hier dans le journal Nature, par des chercheurs d'Oxford. [ ] L'épidémie est en phase terminale et le nombre de cas sera «insignifiant» d'ici 2001 ». Enfin rassuré? Ces épidémiologistes indiquent que «près d'un million de bêtes infectées ont été consommées avant 1989, date de l'interdiction des abats les plus susceptibles de transmettre la maladie» (Libération 30 août 1996). La veille, le même Libération, sur la foi de l'agence Reuter, publiait à ce sujet, d'autres chiffres: «Reste que le nombre abondant d'animaux malades consommés a de quoi inquiéter. Il y a eu environ 903'000 vaches folles de 1974 à 1995, dont 446'000 ont été consommées avant 1989 et 283'000 de plus avant que des restrictions plus sévères n'aient été adoptées en décembre dernier». 446'000 + 283'000 = 729'000. Il nous manque donc 903'000 - 729'000 = 174'000 vaches. Vous suivez? Ont-elles été consommées? Si oui elles ont dû être mangées pendant le réveillon du 31 décembre 1995, comptées par les uns et pas par les autres. C'est le fameux problème des frontières en statistique. A propos, on ne nous dit pas si les bêtes furent consommées sur place ou à «emporter» sur le continent. Ce flou artistique quant au décompte des vaches folles, me rappelle, un dessin sublime de Plantu, publié à l'occasion du dernier recensement de la population en Chine. On voit un agent recenseur devant une foule immense, en train de les compter: «Y en a un qui a bougé! je recommence». Je me rends compte du côté incongru de ce rapprochement. Mille excuses.
Victor Descombres |