COIN D'OMBRES
(Juin 1998 - numéro 16)
La lampe allumée
La lampe rêvait tout haut qu'elle était l'obscurité
Et répandait alentour des ténèbres nuancés,
Le papier se brunissait sous son regard apaisé,
Les murs veillaient assourdis l'intimité sans limites.
S'il vous arrivait d'ouvrir des livres sur des rayons
Voilà qu'ils apparaissaient avec leur texte changé,
Et l'on voyait çà et là luire des mots chuchotants.
Vous déceliez votre nom en désarroi dans le texte
Et cependant que tombait une petite pluie d'ombres
Métamorphosant les mots sous un acide inconnu,
Un dormeur rêvait tout bas près de sa lampe allumée.
Jules Supervielle. Le forçat innocent, Ma chambre
(extrait)
|