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CHOSES VUES, CHOSES LUES, MISE A NU (Juin 1998 - numéro 16) L'erreur est humaine - Un moindre doute - De sérieuses difficultés à lire les chiffres - Un joli nombre
Le 2 octobre 1997, sur France Inter, M. François Foucart, spécialiste des questions pénales pensait pouvoir affirmer, après bien d'autres, que «les délinquants sexuels sont le plus souvent récidivistes». Il aura certainement pris connaissance, avec intérêt, des résultats du dernier travail réalisé, sur ce sujet, par les services statistiques du ministère de la Justice. Si oui, le journaliste aura certainement prévenu ses chers auditeurs que ces données semblent contredire radicalement l'assertion qu'il avait fort imprudemment avancée: «Mesurés à partir du casier judiciaire national, les taux de récidive des condamnés pour viol varient entre 2,5% et 4% selon l'année étudiée. En matière de récidive sexuelle aggravée, entre 1,5% et 2,5% des condamnés pour attentat à la pudeur ont été arrêtés et jugés pour un viol dans les années suivantes». Pour plus de précisions sur les questions de méthode, retournez à la source, comme il se doit: Burricand (C.), «La récidive des crimes et délits sexuels», Ministère de la Justice Infostat Justice, n°50, décembre 1997.
René Lévy nous signale cette dépêche parue dans le Monde du 22 novembre 1997 qui démontre, une fois pour toute, que la graphologie est bien une science exacte: «Un expert en écriture du Loir-et-Cher, Laurence Rateau, a émis des doutes sur les conclusions de ses confrères dans l'affaire du jardinier marocain Omar Raddad, accusé d'avoir tué Ghislaine Marchal le 24 juin 1991. Selon la Nouvelle République du Centre-Ouest du 21 novembre 1997, Laurence Rateau a examiné différents documents fournis par les défenseurs d'Omar Raddad. Elle doute «à 96,3%» que Mme Marchal ait effectivement écrit de son sang «Omar m'a tuer» sur la porte de sa cave. Le jardinier a été condamné à dix-huit ans de réclusion en 1994.» Cela lui laisse le temps de réfléchir à la question suivante: est-ce que douter à 100% permet en fait d'être sûr à 100%. N'est-ce pas plutôt l'inverse? Et puis aussi, quel effet cela fait-il de douter à 96,3%? Est-ce supportable sur longue période? Ne risque-t-on pas de perdre une part de soi-même? Si Madame Rateau est encore en mesure de nous répondre, c'est bien volontiers que nous lui ouvrirons nos colonnes.
De sérieuses difficultés à lire les chiffres CFDT-magazine présente, dans sa livraison de janvier 1998, un dossier sur «Illettrisme un facteur d'exclusion» qui commence comme cela: «Sur 37 millions de personnes de plus de 18 ans vivant dans l'Hexagone, 3,3 millions éprouvent de sérieuses difficultés à lire, écrire, à parler, à comprendre la langue française. Ainsi défini, l'illettrisme touche 1,4 million d'immigrés et 1,9 million de Français». 1,4 + 1,9 = 3,3! La CFDT en est, semble-t-il, restée au slogan des années 1970 «Travailleurs français, immigrés, mêmes patrons, même combat» époque où l'on semblait ignorer qu'un immigré peut être français par acquisition et qu'un étranger peut être né en France auquel cas ce n'est pas un immigré. Petit cours de rattrapage:
source: INSEE, recensement de 1990 (population totale = 56,66 millions)
Avec des chiffres de 3 cm de haut, le quotidien Aujourd'hui en France (édition nationale du Parisien) annonce, triomphal, dans sa une du samedi 7 février: «Nous sommes 60'960'600 Français», commettant ainsi une petite erreur. Ce nombre, déterminé par l'INSEE, représente le nombre d'habitants vivant sur le territoire français (outre-mer comprise). Un certain nombre d'entre eux n'ont pas la nationalité française et ne sont donc pas français (3,6 millions en métropole). Mais ils font partie de la «population de la France», de la «population française». 60'960'600, comme il est dit dans le journal: «Ça fait du bien de se sentir entouré». Mais allez donc expliquer à Dupont-la-Joie que la population française est non seulement composée de gens de toutes les couleurs, mais, encore pire si c'est possible, qu'elle comprend des gens qui ne sont même pas français.
Victor Descombres |