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COURRIER DES LECTEURS (Juin 2000 - numéro 22)
Toutes mes félicitations pour votre démarche, qui ne peut que contribuer à "éclaircir" le débat public. Mais si faire un emploi erroné ou abusif des chiffres et statistiques est préjudiciable, ne pas y recourir du tout l'est au moins autant. Je prendrais deux exemples tirés de l'actualité récente. Une formidable campagne politico-médiatique s'est développée autour du naufrage de l'Erika, d'où il se dégageait (y a-t-il eu une seule contre-analyse dans les médias?) que le transport maritime est une vaste pétaudière, mêlant équipages de fortune (comprendre: incompétents et exploités), pavillons "de complaisance" (comprendre: vaste fraude fiscale), navires mal contrôlés (comprendre: organismes techniques achetés), etc. Tout cela mu par la "recherche effrénée du profit". Le seul hic de ce beau tableau tient précisément aux statistiques. Comment se fait-il que depuis l'Amoco-Cadiz, il y a plus de vingt ans, il n'y ait pas eu une seule marée noire sur nos côtes? Et encore, celle de l'Erika représente à peine un dixième de celle de l'Amoco-Cadiz (20'000 tonnes de pétrole répandues contre 220'000). De plus les volumes transportés chaque année entre les deux dates n'ont sans doute (je n'ai pas les chiffres) rien à voir. Il serait facile de montrer que la cargaison de l'Erika représente une goutte de pétrole dans ce qui a été transporté depuis 22 ans. Second exemple. Lors de la controverse au sujet de l'indemnité de départ perçue par Philippe Jaffré, certains ont opposé l'évolution du cours de l'action d'Elf sous sa présidence, tendant à montrer que l'ancien dirigeant avait bien mérité cette "récompense". En laissant de côté la partie éthique du débat, ne fallait-il pas, dans ce cas, comparer l'évolution du cours de bourse à celui de la bourse française dans son ensemble (qui a fortement progressé durant cette période), et même mieux à celui d'autres entreprises du même secteur (comme Total). Cela permettrait de relativiser la performance. Une association comme la vôtre ne pourrait-elle pas, sur des sujets comme ceux-là, réaliser des notes qui seraient envoyées à quelques journalistes (puisqu'apparemment ils ne font pas ce travail, et s'empressent tout au contraire de hurler avec les loups)?
Jean-Baptiste Hugot
Enfin, de l'eau au moulin de Pénombre. En préparant une émission de radio sur la filiation extramatrimoniale, je suis tombée sur l'article de Jean-Paul Jean "A la recherche du gène perdu", sur le site internet de Pénombre *. Il semblerait que les Britanniques soient plus infidèles que les Français à moins qu'il faille encore une fois prendre ces chiffres avec précaution. Voici un extrait du livre "Procréation artificielle, Génétique et Droit", (Publications de l'Institut suisse de droit comparé n° 4, Ed. Schulthess, 1986, p. 36), article de A. Campana: "A un Symposium de la fondation CIBA, Law and Ethics of A.I.D. and Embryo Transfer, durant l'année 1992, Philipp mentionna que lors d'une analyse de sang dans le sud de l'Angleterre, on a trouvé que 30% des hommes n'étaient pas les pères biologiques de leurs enfants. Lors d'une recherche à Edimbourg, Skinner a trouvé que 15% des enfants étaient issus de liaisons extra-maritales. L'importance du chiffre noir des enfants adultérins varie certes fortement selon le lieu et l'enquête. Mais on peut dire avec certitude que ce chiffre noir est une réalité."
Sarah Dirren
* Article qui mettait en évidence combien les chiffres les plus fantaisistes circulaient dans les cercles officiels. NdR. |