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LES COMPTES DE LA JUSTICE Avril 2002- numéro 29 [Table des matières]
Trafiquer, la belle affaire ! Lorsque jai consulté louvrage de référence en matière des très médiatiques statistiques de la délinquance : " Aspects de la criminalité et de la délinquance constatées en France ", pour lannée 2000, quelle na pas été ma surprise de constater que dans la rubrique " infractions à la législation sur les stupéfiants ", le volume des faits constatés de " trafic et revente sans usage ", avait drastiquement baissé, passant de 12 529 à 4 254 faits. Ainsi les faits constatés par les services de police et de gendarmerie, en cette matière, auraient chuté de 8 275, soit de 66 % en un an. Les commentaires qui accompagnent ces tableaux sont, sur ce point, muets : dailleurs ils ne portent que sur le total des infractions à la législation sur les stupéfiants " dont la hausse traduit limplication de la police et de la gendarmerie dans ce domaine ", ou sur dautres statistiques, non présentées, qui sont celles de lOffice Central pour la Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants (OCRTIS).
Ce sont les talibans ? Je me mis à imaginer que les forces répressives ne sintéressaient plus aux trafiquants, ou que la politique des talibans avait eu des répercussions jusque sur le marché français, ou encore que la loi sur la présomption dinnocence avait, par anticipation, alourdi le travail des services de telle sorte que le nombre des enquêtes avait chuté très fortement. Cependant avant de gamberger plaisamment sur toutes ces hypothèses, il fallait regarder dun peu plus près les chiffres. Peut-être que les faits de trafic avaient glissé dun poste de la nomenclature à un autre ? Effectivement le poste " autres infractions à la législation sur les stupéfiants " sest accru de 108 %. Cependant cet accroissement pour étonnant quil soit, concerne en tout 3 686 faits, soit moins de la moitié de ce que je cherche à expliquer.
Non, ce sont les gendarmes ! Or il se trouve que depuis lannée 2000 précisément, il existe un tableau qui ventile les faits par type de services de constatation, police dune part et gendarmerie dautre part. Il était donc intéressant de voir si cette évolution se retrouvait dans les services de police comme de gendarmerie. Or le poste " trafic, revente sans usage " est pratiquement constant pour la police nationale (+ 0,15 %) alors quil montre une diminution de 90 % pour la gendarmerie soit 8 280 faits constatés en moins. Je tenais un présumé coupable ! Une enquête minutieuse menée par téléphone, me fournit lexplication suivante : la gendarmerie a modifié ses règles de comptage entre 1999 et 2000. La règle de comptage statistique veut quen matière de trafic de stupéfiants, lunité de compte des faits constatés soit la procédure et non pas le nombre de personnes impliquées dans ce trafic, alors que pour une affaire dusage-revente par exemple, il y a un fait constaté par auteur impliqué dans laffaire. Or jusquen 1999, et contrairement à la police, la gendarmerie comptait des personnes et depuis 2000, elle compte des procédures ; la différence peut être de taille, surtout pour le trafic de stupéfiants dont les procédures mettent parfois en cause un grand nombre de personnes. Il reste que le nombre de personnes mises en cause par la police et la gendarmerie, pour " trafic ", a diminué de 5 267 entre 1999 et 2000, alors que le nombre de personnes mises en cause pour " autres infractions à la législation sur les stupéfiants " a augmenté de 3 360. Alors finalement, ça monte ou ça baisse ? Encore une fois, lintérêt dun chiffre est la discussion quil suscite. More research is needed !
Marie-Danièle Barré |