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OUVERTURES Mars 2003- numéro 32[Table des matières]
Bruno Aubusson : Bonsoir Pénombre ! La salle : bonsoir ! B. A. : Au nom de tous ceux qui ont préparé cette soirée pendant de longs mois, pendant neuf mois maintenant, je suis très heureux de vous accueillir ce soir dans les locaux de l'École Normale Supérieure. Pour l'organisation de cette grande nuit des élections, nous avons donc bénéficié du soutien de l'École, de son service logistique que je remercie. Je remercie le Directeur de l'École d'avoir bien voulu que cette réunion se tienne jusqu'à une heure tardive. Tout à lheure, je commençais à compter combien nous étions, et je me suis aperçu très rapidement que le score maximum avait été dépassé, donc ce nombre prouve que notre association est bien vivante. Quand on parle de Pénombre à certaines personnes, maintenant, il n'est même plus question de savoir de quoi il s'agit, il n'y a plus besoin de faire de longs discours : Pénombre fait partie du paysage pour beaucoup après dix ans de développement. Certains d'entre vous par contre, évidemment c'est toujours la règle, découvrent Pénombre à cette occasion. Une occasion privilégiée pour eux de rencontrer Pénombre en chair et en os. Vous avez sans doute remarqué sur notre carton d'invitation que l'on parlait dun dixième anniversaire, et certains d'entre vous se diront : mais comment comptent-ils à Pénombre ? ce n'est pas possible, l'association a été déclarée en juillet 1993 et l'assemblée générale de 1998 a été l'occasion de fêter le cinquième anniversaire de l'association. Alors comment se peut-il que ce soir nous proposions de fêter le dixième anniversaire ? L'histoire est un peu compliquée. En fait, je dois vous raconter en deux mots qu'il y a dix ans, le groupe qui a fondé Pénombre à l'initiative de Pierre Tournier a commencé à se réunir, d'abord dans des restaurants, ensuite dans des bureaux pour travailler un peu plus sérieusement, a produit un essai de Lettre blanche nš 0, et puis finalement s'est mis à la rédaction des statuts pour fonder l'association. Et cela se passait bien il y a dix ans. Donc finalement, les nouveaux et ceux qui avaient fêté le cinquième anniversaire il y a quatre ans n'ont plus trop contesté la date. Mais nous avons adopté alors aussi une règle qui vaut pour chacun d'entre vous, et qui doit clore ici la commémoration et les discours commémoratifs : dorénavant le dixième anniversaire de Pénombre pour chacun d'entre nous sera le dixième anniversaire de la date d'adhésion. Et il aura beaucoup de dixièmes anniversaires d'adhésion pendant très longtemps. Ceci est une façon aussi de vous rappeler, que même si nous avons dix ans, l'association fonctionne toujours comme une vraie association, elle ne vit que des cotisations de ses membres. Tout se fait sur la base du bénévolat et de l'investissement plus ou moins grand de certains adhérents. Ce que nous proposons ce soir a un air sans doute joyeusement improvisé. Nous aimons joyeusement improviser tout ce que nous faisons. C'est aussi une organisation qui suppose que des gens fassent des choses un peu moins drôles avant de se réunir : tirer des papiers, timbrer des enveloppes pour adresser les invitations, etc. etc. Voilà comment fonctionne Pénombre, pour ceux qui ne le savaient pas. Ce soir, nous avons choisi une présentation qui est encore à l'image de l'association, c'est-à-dire que sur le carton d'invitation, les intervenants nommément mentionnés sont des membres de l'association, membres d'un groupe qui s'est intitulé « Comité d'organisation de la grande nuit des élections ». Je vous laisse voir ce que faisait le sigle, on a décidé de ne pas lutiliser, on parle de la GNE (la gneu) et on ne parle pas de ce qu'il y a avant. Donc il n'y a pas de têtes d'affiche, c'est sur la base de la réflexion que nous avons menée pendant neuf mois que nous vous invitons à poursuivre ensemble le débat. Mais cependant nous avons respecté une tradition de Pénombre qui est, dans ces occasions de Nocturnes, de plus grands rassemblements, et de réunion ouverte, d'avoir des invités que Jean-René Brunetière vous présentera. Jamais deux sans trois, nous avons été très satisfaits de la façon dont Jean-René Brunetière a guidé le débat pendant les deux dernières Nocturnes, donc ce soir comme les deux soirées précédentes, notre très cher ingénieur des Ponts et Chaussées hors classe sinon hors norme est au poste de pilotage. La soirée va commencer et d'avance, merci Jean-René de nous guider dans la nuit. (applaudissements) (Soudain la nuit se fait, la salle est plongée dans lobscurité, une voix forte se fait entendre )
Paul Valéry
Jean-René Brunetière : merci Paul Valéry ! Merci Bruno !... Ô rotation de rotations qui nous inflige le supplice de tes mornes répétitions. Les nombres en politique... Voilà le sujet d'élection de Pénombre pour son dixième anniversaire. Nous vous proposons une nuit autour des quatre tours que nous avons vécus et dont nous sommes à peine remis. Les quatre tours que nous nous sommes joués à nous-mêmes en 56 jours, entre le 21 avril et le 16 juin. Vous avez tous vu passer les nombres dans tous les sens pendant ces campagnes électorales, les uns et les autres, les unes ou les autres, vous avez été émus par un taux de croissance, révoltés par l'utilisation d'un diviseur, surpris par l'énormité d'une évaluation, les chiffres vous ont interpellés, agressés, ou tout simplement amusés. Nous vous avions invités tous à la chasse aux chiffres. Vous en avez capturé, les uns en spécialistes, les autres en militants, en esthètes, ou simplement en citoyens... Et ce soir, nous vous proposons de partager le gibier. Certains ont préparé leur gibier (on na d'ailleurs pas manqué de chiffres faisandés) et ils nous serviront des petits plats gentiment cuisinés. D'autres, et vous y êtes tous invités, videront leur gibecière en séance. Certains goûteront les plats, d'autres prendront leurs pinceaux pour en peindre une nature morte, nous nous découvrirons au fur et à mesure chasseur ou cuisinier. Mais nous avons spécialement invité quelques critiques d'art et quelques gastronomes que nous consulterons en connaisseurs quils sont aussi durant la soirée. M. Jacques Antoine est en quelque sorte en matière de sondage le directeur du guide Michelin, en matière de gastronomie sondagesque puisqu'il est président de la commission des sondages, et nous avons invité également quelques journalistes de divers journaux. Parmi nous donc : François Ernenwein, rédacteur en chef au journal La Croix, Louis-Marie Horeau, journaliste au Canard enchaîné, Gildas des Roseaux, du Point, et Antoine Reverchon, journaliste au Monde de l'Économie, doit nous rejoindre en cours de soirée. Il y en a peut-être quelques autres, il peut y avoir des journalistes « non déclarés » dans la salle. Merci d'avance de vos commentaires sur tout ce qui se dira au cours de la soirée. Notre nuit va être longue, vous l'avez vu sur le programme. Pas loin de quatre heures pour faire le tour des nombres, puis le reste de la nuit pour fêter votre anniversaire à vous qui êtes Pénombre. Quatre tours donc : le premier fouillera les programmes. Il prendra la forme d'une vente aux enchères, mais j'y reviendrai. Le second explorera notre mémoire et notre conscience, y a-t-il eu un temps où les chiffres étaient bien traités en politique ? y a-t-il aujourd'hui une déontologie possible pour le nombre en politique ? ou au moins des petits bouts de déontologie ? Déontologie... arrivés à ce stade de sérieux, il sera largement le temps d'aller boire un coup... Nous irons donc boire un coup, et au retour, nous changerons de sujet : les chiffres sont là pour nourrir les programmes, mais ils sont là aussi pour « environner » la campagne. Bien d'autres chiffres sont passés dans tous les sens, des chiffres d'argent, des nombres de mandats, des chiffres de parité etc. Nous en rendrons compte dans le troisième tour. Et, vous l'avez vu, notre soirée ne se laissera pas obnubiler par la sondomanie. Nous donnerons aux sondages leur place, mais rien que leur place, dans le quatrième tour. Nous avons ensuite tout le reste de la nuit pour nous en remettre, pour nous restaurer en musique, et pour fêter notre anniversaire en dansant...
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