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Avril 2003 numéro 33[Table des matières]
Suite de la grande nuit...
Cest une question que je me pose... depuis et dès avant les élections présidentielle et législatives. durant la campagne électorale, javais réfléchi là-dessus. Mavait notamment passionné un sondage du CSA (linstitut de sondage, bien sûr...) paru dans Le Parisien/Aujourdhui du 25 janvier 2002, et dont tous les autres médias et une bonne partie des candidats à lélection présidentielle sétaient emparés, présenté en première page de notre quotidien comme : « Présidentielle, les Français sénervent », avec ces accroches : « 65 % dentre eux veulent que Chirac et Jospin déclarent rapidement leur candidature », « 60 % ne souhaitent pas un duel Chirac-Jospin au second tour » et « 54 % ne sont pas satisfaits de la façon dont se déroule le débat ». Ce qui fait déjà apparaître ceci : si 65 % « des Français » (en réalité, des sondés) veulent une déclaration et 60 % ne veulent pas dun duel des impétrants putatifs, on peut supposer quau moins 25 % des personnes qui espèrent leur candidature ne souhaitent pas leur élection... La question concernant les candidatures était : « Souhaitez-vous que Jacques Chirac et Lionel Jospin déclarent leur candidature et exposent leur projet
Ma question sur cette question est : combien de personne ayant répondu « le plus tôt possible » souhaitaient seulement la candidature de M. Jospin OU de M. Chirac, voire seulement lexposé de leur projet ? En tout cas au moins 25 % des sondés... Malgré lexposé de première page, on ne peut conclure de cette réponse que « 65 % [des Français] veulent que Chirac et Jospin déclarent rapidement leur candidature », mais que 65 % des personnes ayant répondu (le « taux dabstention » sur les sondages dopinion atteignant souvent le score du premier tour de la présidentielle 2002) veulent, soit que Chirac, soit que Jospin, soit que les deux se déclarent, soit que lun, lautre ou les deux exposent leur projet. Les résultats de la présidentielle laisseraient accroire que nombre de ces 65 % voulaient surtout connaître leur projet. Deuxième affirmation de « une », deuxième question, deuxième aporie. La question : « Au second tour, souhaitez-vous un duel entre Jacques Chirac et Lionel Jospin ou un duel entre lun de ces deux candidats et un « troisième homme ? » Pour rappel, la proposition de première page était : « 60 % ne souhaitent pas un duel Chirac-Jospin au second tour ». Ce qui nest pas la même chose : on peut « ne pas souhaiter » une chose, sans pour autant souhaiter quelle ne soit pas ; dans ce cas, le fait que 60 % des sondés souhaitent un « troisième homme » » ninduit pas obligatoirement que ces 60 % ne souhaitent pas une confrontation Chirac-Jospin : si 60 % des Français, disons, « préfèrent le beurre à la margarine », en déduira-t-on quils naiment en aucun cas la margarine ? Il y a bien sûr lautre aporie, relevée, entre « la volonté » de 65 % des Français et « le non-souhait » de 60 % dentre eux, aporie résolue en regardant, non « lanalyse » du Parisien, mais les questions même : on en peut déduire que 65 % « des Français » souhaitent avant tout savoir si oui ou non MM. Chirac et Jospin seront candidats, et que 60 % des dits, dont certains qui « veulent que », nont pas, ou probablement pas lintention de voter pour lun, lautre ou les deux (ce qui se vérifiera, dailleurs). Il est bon de savoir que « 54 % ne sont pas satisfaits de la façon dont se déroule le débat », alors que lobjet principal de ce sondage est de critiquer... labsence de débat (considérant que ceux menés par les 17 candidats déclarés à lépoque, hem ! ne sont pas des débats). Ici comme pour les deux autres accroches de « une », il sagit, pour le moins, dune ré-interprétation de la question, laquelle était : « Le 21 avril prochain aura lieu le premier tour de lélection présidentielle. Êtes-vous plutôt satisfait ou plutôt mécontent de la façon dont se déroule la campagne ? » (à remarquer quau 25 janvier 2002, on ne peut proprement parler de « la campagne », ni officielle, ni officieuse, plutôt dune pré-campagne). Parmi les 54 % de « plutôt mécontents », quelle est la proportion de ceux mécontents du fait du « débat » ? On ne le saura jamais. Sur cette question, 15 % des personnes ne se prononcent pas. Il y a une question subsidiaire : « Pour quelle raison nêtes-vous pas satisfait ? », à laquelle répondent les mécontents. Le motif (imposé) qui vient en tête avec 71 % est : « Les vrais problèmes ne sont pas abordés », en revanche, « le débat » est remis à sa place - la troisième -, puisque seulement 25 % des 54 % de mécontents, soit 13,5 % des sondés, considèrent que « la non-candidature de Jacques Chirac et de Lionel Jospin empêche le débat », doù lon peut considérer que « le débat » nest pas la première cause dinsatisfaction. Rions un peu : il y avait au 25 janvier 2002, 17 % de mécontents à considérer qu« il ny a pas assez de nouveaux candidats ». Voilà je pense un exemple intéressant sur la manière dont le nombre a été traité dans le cadre des élections présidentielle et législatives de 2002.
Olivier Hammam |