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Avril 2003 numéro 33[Table des matières]
Durée et dureté de la vie
Dans Le Monde Économie du mardi 14 janvier, consacré en grande partie à la question des retraites, un historien, Michel Dreyfus, déclare : « Ce nest quen 1910 que sont instaurées les « retraites ouvrières et paysannes », destinées aux salariés les plus modestes . Ce système rencontre lopposition des économistes, des partis de droite, du patronat - qui dénoncent son coût - et l« incitation à la paresse » quil constitue - mais aussi de la CGT, qui, dans son orientation syndicaliste révolutionnaire de combat contre lÉtat, rejette le principe dune protection émanant de ce dernier. Non sans argument dailleurs : lallocation est versée à 65 ans, alors que lespérance moyenne de vie est alors de 50 ans ! » Si on comprend bien, et le point dexclamation est là pour nous inciter à interpréter les choses ainsi, la mesure aurait été démagogique, à tout le moins vaine, puisque les gens ne vivaient pas assez longtemps pour en bénéficier. Mais, cet indicateur quest lespérance de vie à la naissance, comme souvent, pour ne pas dire toujours, est ici mal interprété. Un âge moyen au décès de 50 ans ne signifie pas que personne ne dépasse cette durée, ni même que la majorité meurt autour de cet âge. Il résulte dune forte mortalité à toutes les étapes de la vie, en particulier, durant lenfance. Placer ce chiffre à côté de celui de lâge de la retraite na aucune signification. Il aurait fallu se demander combien de travailleurs arrivaient à cet âge, et, pour ceux qui latteignaient, combien dannées ils pouvaient profiter de leur retraite. En 1910, un homme qui entrait dans le monde du travail à 15 ans avait à peu près une chance sur deux datteindre 65 ans. Et ceux arrivés à cet âge vivaient encore 10 ans et demi en moyenne. Ces valeurs sont moindres que celles daujourdhui - où les hommes ont 8 chances sur 10 de passer de 15 à 65 ans et une espérance de vie à cet âge de 16 ans et demi - mais suffisamment importantes pour quon se soit préoccupé de prévoir une retraite. Heureusement que le législateur de lépoque savait interpréter une espérance de vie !
Alfred Dittgen |