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Juillet 2003 numéro 34[Table des matières]
Le pays le plus...
Un classement paraît incontestable quand il résulte dun indice qui comporte une seule variable et facilement mesurable : par exemple, le classement des montagnes selon leur altitude. Encore que cette hauteur puisse varier en fonction de lépaisseur de la couche de neige, ce qui nous oblige de temps à autre à retenir de nouveaux chiffres pour le Mont Blanc, ou à faire définitivement limpasse sur les mètres au-delà de 4 800. Ce classement paraît plus contestable quand il résulte dun indice composite, cest-à-dire, qui prend en compte plusieurs variables, car le choix de ces variables ne peut pas être « scientifique », ni leur pondération. Il en est ainsi du classement des élèves, qui vise à situer ceux-ci selon leur degré de connaissances. Le choix des matières nécessaires au futur honnête homme ou à la future honnête femme ne va pas de soi, de même que leurs coefficients, sans parler dune part inévitable de subjectivité dans la notation. Cela étant, ces indices composites ne sont pas toujours sans intérêt. Pour mesurer le développement atteint par les pays et, éventuellement, pour les classer dans ce domaine, on a privilégié pendant longtemps le produit intérieur brut (PIB), indice à la signification simple (mais difficile à établir dans la plupart des cas), trop simple même, car la production ainsi mesurée aux prix et dans la monnaie de chaque pays est convertie dans la même monnaie (le dollar) selon les taux de change. Or, on nachète pas la même quantité de biens ou de services avec un dollar au Burkina-Faso quaux États-Unis. Doù, à lheure actuelle, lutilisation dun indice plus approprié : le produit intérieur brut en parité de pouvoir dachat (PIB-PPA). Mais le développement nest pas quune affaire économique. Cest pourquoi le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a introduit en 1990 lindice de développement humain (IDH), lequel prend en compte, outre le pouvoir dachat, mesuré par le PIB-PPA, la santé, mesurée par lespérance de vie, et la culture, mesurée par le taux de scolarisation et le taux dalphabétisation des adultes(1). Plus précisément, le PNUD a défini pour chacun de ces trois sous-indices, un maximum et un minimum possibles et, pour chaque pays, calculé le rapport de la différence entre la valeur observée et le minimum sur la différence entre le maximum et le minimum. Ainsi, lespérance de vie est supposée varier dans une fourchette de 40 à 80 ans et un pays avec une valeur de 50 ans a un indice de santé de 25 % ((50-40) / (80-40)). LIDH est la moyenne simple des trois indices qui le composent. En faisant cette moyenne simple on fait le choix de pondérations égales, ce qui ne pose pas moins de problème que de choisir des pondérations propres à chacun des éléments. Par ailleurs, avec cette moyenne, nadditionne-t-on pas des pommes et des poires, chose que nos enseignants nous ont appris à ne pas faire ? Difficile de répondre dans labsolu. Dailleurs, les enseignants ne sont-ils pas les premiers à transgresser cet interdit en calculant des moyennes générales (en ajoutant les notes de maths, danglais, de gym .) ? Dans le cas présent en tout cas, lutilisation de cet indice pour mesurer le développement vaut mieux que lutilisation unique de lun des trois qui le composent(2). Cela étant, cet IDH est évidemment à utiliser avec précaution, en particulier parce que la détermination des valeurs extrêmes, qui va de soi pour la scolarisation et lalphabétisation (0 % - 100 %), est moins évidente pour le pouvoir dachat et la santé. Le classement auquel il aboutit doit être pris avec la même circonspection. Ainsi, il ne faut guère accorder dimportance au fait que la France soit passée du 11ème rang en 1975 au 8ème en 1995 et revenue au 11ème en 2000. Notre pays est bien placé, sans être au premier rang, ce dont on se doutait un peu. Il est plus intéressant de voir que le classement des pays selon lIDH peut différer sensiblement du classement selon le pouvoir dachat, surtout dans le tiers-monde. Ainsi, le Vietnam, qui a la même valeur de PIB-PPA que le Pakistan, a un IDH bien plus élevé, grâce à une meilleure scolarisation et à un meilleur système de santé. Ce quon peut peut-être reprocher à cet indice cest de nintégrer que des moyennes. Or, il y a sûrement davantage de citoyens heureux dans un pays riche où tout le monde a un niveau de vie proche de la moyenne que dans un pays où la moyenne est la même, mais où la moitié de la population est très riche et lautre moitié très pauvre. Lopulence des uns ne compense pas la misère des autres. Le PNUD calcule dailleurs un indicateur de répartition des richesses ; en loccurrence : le pourcentage de pauvres. Peut-être aurait-il fallu lintégrer dans lindicateur de développement ?
Jean Célestin
(1) Ces deux taux sont combinés en un indice unique en pondérant le taux de scolarisation par 1/3 et le taux dalphabétisation par 2/3. (2) Lindice unique qui pourrait faire concurrence à lIDH est le taux de mortalité infantile. Celui-ci mesure - en plus de létat sanitaire - la culture, qui détermine la capacité des mères à soigner leurs enfants, et aussi le pouvoir dachat, car la préservation de la santé des enfants est plus coûteuse que celle des adultes. Cest dailleurs en observant la montée de ce taux en URSS dans les années soixante quEmmanuel Todd a annoncé dès 1976 la chute de cet « empire » (La chute finale : essai sur la décomposition de la sphère soviétique, Robert Laffont). |