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Juillet 2003 numéro 34[Table des matières]
Le pays le plus...
LOMS a publié en lan 2000 un classement des 191 pays du monde selon lespérance de vie en bonne santé de leur population. En haut de léchelle figure le Japon, avec 74,5 ans (pour une espérance de vie de 80,5 ans). La France est en troisième position avec 73,1 ans (pour une espérance de vie de 78 ans). Bien quil ne soit pas impossible que mon pays soit si bien classé, je ne peux pas mempêcher de me poser des questions sur un tel classement. Le problème, contrairement à ce quon pourrait croire, ne réside pas dans la possibilité de mesurer la santé malgré la subjectivité de cette notion : nous savons depuis Molière quil y a des malades imaginaires et depuis Jules Romains quun bien portant est un malade qui signore. LOMS, et tous les spécialistes de cette question, mesurent plus précisément « lespérance de vie sans incapacité ». Or, lincapacité, de sortir du lit, de faire sa toilette, de se déplacer seul, etc., est observable et mesurable. Le problème réside donc, non dans la possibilité de mesure, mais dans labsence de mesure. Depuis pas mal de temps, plusieurs organismes, Nations Unies, Banque mondiale , publient chaque année lespérance de vie de chacun des pays du monde. Il faut savoir que les chiffres proposés ne résultent dobservations et de calculs précis, que pour une minorité de pays, les pays développés, qui disposent détats-civils performants. Pour les autres, la majorité, il sagit dévaluations basées sur des données fragmentaires ou sur une appréciation de la situation sanitaire, ou encore sur des comparaisons avec des pays voisins possédant des statistiques. A fortiori, lincapacité fait encore plus rarement lobjet de mesures, car elle nécessite des enquêtes spécifiques, sur des échantillons de taille importante pour pouvoir appréhender ce phénomène pour chaque sexe et à tout âge. Jusquà présent, les pays qui réalisent périodiquement de telles investigations se comptent sur les doigts de la main ; soyons généreux : des deux mains. Autrement dit, il ny a quune minorité de pays dans lesquels on mesure lespérance de vie et une minorité de cette minorité dans lesquels on mesure lincapacité. Comment peut-on alors avoir un classement des pays pour lespérance de vie en bonne santé, ce qui suppose un chiffre pour chacun ? Normalement, quand on donne une série chiffrée et classée, on est conduit à penser que le classement résulte du chiffrage : ainsi du classement des élèves, qui résulte de la moyenne obtenue par chacun. Il est à parier que dans le cas présent on a fait linverse, du moins en partie. Cest-à-dire que lon on a classé les pays dont les données manquent (la majorité) les uns par rapport aux autres, à partir dappréciations pifométriques, puis attribué une valeur à chacun deux en fonction de son rang. Que vaut un tel palmarès ?
Alfred Dittgen |