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Juillet 2003 numéro 34[Table des matières]
Densité des hommes et des poules
EN BONS méditerranéens, les anciens Grecs étaient assez indifférents à lexactitude de leurs dénombrements : arrondir ou exagérer était chez eux monnaie courante. Doù une particulière difficulté pour la démographie ! Aussi une inscription célèbre du musée dIstanbul, rapportée jadis de Crète au temps où lîle était encore sous domination turque, a bien retenu lattention des démographes : elle note en effet un chiffre de population précis, et donc peut-être ( ?) exact. Cest le serment civique de Dréros : « ont juré, sans armes, des éphèbes [littéralement : « des bandes de jeunes, à poil »] au nombre de cent quatre-vingts ». Suivent des prescriptions sévères pour que ce serment soit ensuite prêté chaque année par les éphèbes à leur entrée dans la vie politique. Sp. Marinatos, à qui est due par ailleurs la découverte des premières statuettes en bronze martelé (triade apollinienne) de Dréros quand il fouillait cette petite cité de Crète orientale, en a tiré une courte étude de démographie antique : la cité de Dréros aurait eu au total de 7 000 à 10 000 habitants. La méthode, dailleurs raisonnable, employée par lauteur pour arriver à ces chiffres se fondait sur un rapport de pourcentages entre naissances et population. Comme Marinatos, éphore de Crète, directeur du musée de Candie, était alors un savant réputé et que je commençais seulement ma carrière de chercheur, je nai pas exprimé à ce moment les doutes que javais sur ces chiffres. Je saisis loccasion de Pénombre pour réparer ce silence, qui aura duré . 65 ans. Marinatos a négligé une information donnée par Aristote sur léphébie antique : elle aurait duré dix années, à Sparte comme en Crète : les 180 jeunes jureurs nétaient donc pas tous nés la même année. Dautre part, le total des dix promotions a dû prononcer ce serment dans une circonstance que javais identifiée comme exceptionnelle, celle dun changement dalliance, la haine de Lyttos remplaçant celle de Cnossos vers la fin du 3ème siècle (avant JC) Quelle proportion représentent les 180 éphèbes qui ont prêté ce serment ? Nous nen savons rien. La population de Dréros devait donc être plus modeste, plus conforme à ce que suggère létendue de la nécropole. Comme plus généralement toute lhistoire plutôt agitée de ces petits microcosmes quétaient souvent les cités de la Crète « aux cent villes ». Le problème de la population drérienne reste donc entier. En ces heures où la France contemporaine mesure toute la difficulté de montrer sa fidélité en fait dalliances dans un monde devenu planétaire, il est pittoresque de rappeler que lantiquité grecque na pas ignoré ce genre daffaires ! Déjà !
Henri van Effenterre
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