|
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Août 2004 numéro 37[Table des matières]
CHANCES ET RISQUES
On entend souvent dire dans les médias que tel ou tel test de dépistage est fiable à tant pour cent, par exemple à 99 %. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout d’abord, il y a deux risques d’erreur : d’une part, que le test considère comme saine une personne qui est atteinte de la maladie que l’on cherche à dépister ; d’autre part, que le test considère comme atteinte de la maladie une personne saine. Imaginons la situation suivante : une maladie rare1 touche 0,5 % de la population. On nous présente un test comme étant “ fiable à 99 % ” : supposons que cela signifie que le risque d’erreur soit de 1 % dans les deux cas évoqués ci-dessus ; c’est-à-dire que 1 % des personnes qui sont malades ont un résultat négatif au test et que 1 % de celles qui sont en bonne santé ont un résultat positif. Dressons un tableau, sur une population de un million de personnes :
On peut constater que 50 personnes (soit 0,005 % de la population totale) “ échapperont ” au diagnostic, mais surtout que sur les 14 900 personnes qui auront un test positif, 66,8 % d’entre elles auront été suspectées à tort. Il n’y a aucune raison que les deux risques d’erreur évoqués ci-dessus soient identiques. Imaginons désormais un test plus fiable que le précédent, qui détecte bien la maladie sur 99,9 % des malades (on a peu de chances de passer entre les mailles du filet), mais dont le risque d’erreur soit toujours de 1 % chez les personnes saines. On obtient le tableau suivant :
On a pratiquement le même taux, environ 2/3, des testés positifs qui sont sains. Et si on décidait de donner un traitement (qui a un coût) à toutes les personnes qui ont un test positif, parce qu’on pense qu’elles sont atteintes de la maladie... vous voyez le gâchis, tout cela pour un test fiable à 99 % ! C’est absolument inenvisageable. Par contre, pour une maladie “ fréquente ” (touchant par exemple 10 % de la population), la situation s’améliore nettement : il n’y aurait plus que 8 % environ des contrôlés positifs qui le seraient à tort. On se souvient qu’au moment de l’apparition du sida, il avait été question de mettre en place des tests systématiques de dépistage : l’idée a été - heureusement - rapidement abandonnée, probablement pour les raisons évoquées ci-dessus. On a alors pensé réserver ce test aux populations “ à risque ” (de façon à augmenter la proportion de malades dans la population testée) ... mais comment définir cette population “ à risque ” ? Ne risque-t-on pas alors de stigmatiser une catégorie de personnes dont la façon de vivre ne serait pas “ dans la norme ” ? Le débat n’a pas eu vraiment lieu, et on a testé ceux qui le demandaient. Par ailleurs, tout cela est mathématiquement bien beau, mais dans la réalité on ne peut pas connaître a priori la fiabilité du test. Comment la déterminer ? Cela suppose que l’on dispose d’un autre moyen, beaucoup plus fiable (si possible à 100 %), de savoir qui est malade et qui ne l’est pas, et de tester le test... En général, cet autre moyen est très lourd et onéreux, et c’est pour le remplacer qu’on a conçu le test de dépistage évoqué au début de cet article (test autant que possible facile à utiliser et peu coûteux), qui va bien “ repérer ” les malades, mais qui va aussi considérer à tort comme malade une partie de la population, éventuellement importante... autrement dit, un test inutile.
Jacques Verdier 1. Sur 60 000 000 de personnes, cette ‘rareté’ en touche quand même 300 000 ! |