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Juin 2005– numéro 40[Table des matières]
CHRONIQUE CITOYENNE
L’examen du barème actuel de l’impôt sur le revenu laisse particulièrement perplexe. La progression des taux se présente en effet de la manière suivante :
Il est impossible d’expliquer au citoyen que le niveau de ces taux, leur précision, leurs intervalles, est le plus satisfaisant possible. Cette absence de rationalité du barème contribue sans doute à expliquer et justifier le désir général de réforme qui a été relayé par les plus hautes autorités. Cependant, faire évoluer le barème sans avoir un objectif cible explicable risque de conduire au cercle vicieux. Quand on ne sait pas où l’on va, on ne sait jamais si l’on est arrivé. Un espoir est né quand l’économiste américain Laffer a dévoilé sa fameuse courbe censée montrer qu’au delà d’un certain taux de prélèvement, l’activité était découragée. Si cet optimum était connu, il fournirait un calage scientifique aux barèmes. Hélas, cette voie s’est révélée une impasse : d’une part on a découvert que cette thèse avait été formulée il y a plus d’un siècle par un Français, Dupuit, ingénieur des Ponts et chaussées, et d’autre part, Thomas Piketty a montré, de manière très scientifique, qu’en pratique, les taux les plus élevés expérimentés dans l’histoire de l’impôt sur le revenu n’avaient jamais permis de la vérifier. Face à l’insuccès de l’approche économique, je propose donc une approche esthétique. Certes un tel angle pour aborder la fiscalité dans ce qu’elle a de plus austère peut surprendre, mais il me paraît cohérent avec l’axe stratégique majeur de notre nouveau modèle d’administration de l’impôt, la recherche du civisme fiscal par consentement. L’idée est d’aboutir à des taux du barème procurant un sentiment de satisfaction au contribuable en ce qu’ils exprimeraient une proportion perçue comme se rattachant à l’harmonie du beau. Il faut partir du taux maximum qui a une valeur hautement symbolique. Ce taux exprime une proportion entre la part des revenus laissée à la décision individuelle et celle qui est « collectivisée » par le prélèvement fiscal. Or, l’on sait qu’il existe une proportion perçue par l’esprit humain comme esthétiquement la plus satisfaisante. Utilisée en architecture depuis la construction du Parthénon et détectable ensuite dans de nombreuses grandes œuvres d’art, elle a été formulée par Euclide (partage d’une droite en extrême et moyenne raison), reprise en 1509 dans un ouvrage intitulé De divina proportione par le moine franciscain et professeur de mathématique Luca Pacioli et connue depuis sous le nom familier de « section d’or ». Ce « nombre d’or » est de 0,61 Ainsi, une droite de 100 peut être découpée entre une part de 61 et une autre de 39. Si cette droite figure le revenu, le taux esthétique maximum de l’impôt serait de 39 %. Le contribuable conservant 61 % à sa disposition serait psychologiquement conditionné par son sens du beau à considérer qu’il s’agit d’un partage satisfaisant. Resterait à déterminer les autres taux du barème idéal. Cela est possible en faisant appel à un concept mathématique nommé « suite de Fibonacci ». Il s’agit simplement d’additionner les deux termes précédents pour donner le suivant. La suite débute ainsi :
Cette suite génère le nombre d’or qui exprime le rapport entre deux de ses termes adjacents de manière de plus en plus précise, ainsi 21 : 34 = 0,61. Les autres taux pourraient alors être déterminés en retranchant au taux précédent et en régressant, les nombres de la suite. Cela donnerait :
Le barème esthétique idéal serait donc si l’on conserve une tranche à taux nul en entrée : 0 %, 6 %, 7 %, 8 %, 10 %, 13 %, 18 %, 26 %, 39 %. L’objection que cela aboutit à une baisse des taux actuels et que par conséquent ce nouveau barème ne peut satisfaire qu’un esthétisme de droite, ne condamne pas la méthode ; il suffit de la réitérer en partant, non plus du taux de 39, mais du taux de 61 pour satisfaire à un esthétisme de gauche. Au moins, le débat politique sur le barème de l’impôt sera calé par des valeurs claires !
André Barilari
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