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Juillet 2006 numéro 43[Table des matières]
LES CHIFFRES DE LA DEMOGRAPHIE
Dans sa Note de quatre pages n°24 de février 2006, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) titre : « Politique de la Ville, les quartiers parisiens : 17 % de la population parisienne sur 17 % du territoire ». Que faut-il comprendre ? Selon la même syntaxe, un titre disant : « Salaires en France : 20 % des ménages gagnent 80 % des revenus » signifierait que les salaires sont inégalement répartis, au point que le cinquième des Français les mieux payés concentre à lui seul les quatre cinquièmes des revenus salariaux. Cela signifierait également, de façon symétrique, que les quatre cinquièmes des Français les moins moins payés ne gagnent à eux tous que le cinquième de la masse salariale totale. Pour en revenir à la publication de l’Apur, le titre « 17 % de la population parisienne [est] sur 17 % du territoire » laisse dubitatif. Il semble parler de « concentration » de la population sur le territoire, mais si 17 % de la population occupe 17 % du territoire, où est le problème ? Cela signifierait en effet que ces 17 % de Parisiens ne sont ni plus ni moins « serrés » que les autres. Et dans ce cas, pourquoi focaliser sur ces 17 % ? Qu’en est-il des autres, les 83 % ? Logiquement, ils doivent occuper 83 % du territoire, et ne sont donc, eux non plus, ni plus ni moins serrés que les autres… Dans ce cas, n’aurait-il pas mieux valu dire, par exemple, que « la population parisienne se répartit équitablement sur le territoire, sans phénomène de concentration marqué » ? Mais cela reviendrait à dire que la densité de population est la même sur tout le territoire parisien ; or, notre intuition nous dit que ce n’est pas vrai. C’est donc que l’hypothèse initiale, à savoir que le titre parle de concentration de la population sur le territoire, n’est pas la bonne. C’est en page 3 de l’article qu’on trouvera finalement l’explication : on y apprend que les « QPV », quartiers de la politique de la ville, autrement dit les quartiers identifiés comme « en difficulté », se trouvent regrouper 17 % de la population de Paris, et occuper en même temps 17 % du territoire parisien. Autrement dit, c’est un hasard si ces deux pourcentages sont les mêmes, et la question de la concentration est tout à fait secondaire ici. La signification du titre était en réalité la suivante : « Quartiers parisiens classés en difficulté : 17 % des habitants et 17% du territoire ». Conclusion : le titre proposé par l’Apur a deux défauts. Le premier, c’est de ne pas oser utiliser une expression du type « quartier en difficulté » que pourtant tout le monde comprend. La terminologie choisie (« Politique de la Ville, les quartiers parisiens ») n’est en effet synonyme de « quartier en difficulté » que pour les spécialistes de la question. Il y a là du jargon administratif, inutilement « politiquement correct ». Le deuxième défaut de ce titre est de mettre trop en avant le double chiffre de 17 % : au fond, on se moque bien que ce soit 17 % et 17 %, ou bien 16 % et 18 %. Ces deux pourcentages ne sont en effet là que pour donner deux indicateurs (population et territoire en difficulté). Et, en fait, ce titre fait croire au lecteur qu’on s’intéresse à une question de concentration de population alors qu’il n’en est rien. Il y a là un défaut typique des écrits statistiques, qui bien souvent, hélas, fétichisent les chiffres. On ne le répétera jamais assez, le chiffre n’est pas une fin en soi, il n’est qu’un moyen pour mieux comprendre la réalité qui nous entoure.
Serge Darriné |