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Lettre d'information de Pénombre

association française régie par la loi du 1er juillet 1901

Novembre 2006– numéro 44[Table des matières]

 

CHIFFRES OLÉ OLÉ


70 000 mariages forcés par an ?

Pénombre a épinglé dans son numéro 42 de décembre 2005 les «70 000 mariages forcés» que l’on compterait en France (« Mariages ou chiffres forcés ? »). Une Pénombrienne poursuit l’enquête, laquelle n’est peut-être pas terminée. Avis aux amateurs.

La célébrité de Pénombre.

« Je fais un reportage sur les mariages forcés, j’ai le chiffre de 70 000 mariages forcés par an qui circule partout, ça me paraît bizarre, tu pourrais pas voir avec tes potes de Pénombre ? »

Mes potes, mes potes ? Et moi alors, je peux chercher aussi !

Bizarre, en effet.

Le site de l’Insee donne 270 000 mariages par an, avec un âge moyen de 28 ans pour la femme (je préviens les puristes que j’ai arrondi tous les chiffres de cet article, c’est exprès et j’assume). Il y aurait 1/4 des mariages qui seraient des mariages forcés ? Plus que bizarre, incroyable.

Et puis, d’où ça sort ?

Ce nombre, souvent cité, remonte à une évaluation du HCI (Haut Conseil à l’Intégration) de 2003. Impossible de mettre la main sur le texte d’origine. Mais ce chiffre a surtout été cité pour défendre la loi qui relevait l’âge minimum du mariage pour les filles de 15 à 18 ans. Un soupçon me vient : et si ce chiffre représentait toutes les filles qui se trouveraient protégées par cette modification de la loi ?

Vive la règle de trois.

Retour sur le site de l’ Insee. 60 millions d’habitants, 25 % de moins de 20 ans, 6 % d’étrangers. Évidemment il me manque des billes, je fais quelques hypothèses : répartition homogène par âge des moins de 20 ans, des garçons et des filles. Et, oh ! miracle, j’arrive à environ 70 000 filles étrangères de 15 à 18 ans ... Ne hurlez pas tout de suite, les étrangers en France comptent quelques Belges chez qui la pratique du mariage forcé est réduite, et la nationalité française englobe des gens d’origine africaine chez qui elle est plus répandue. Mais il n’y a pas de statistiques administrative par origine géographique au delà de la première génération en France, et les gens du HCI, avec les mêmes sources, ont dû faire le même calcul que moi.

Bon sang, mais c’est bien sûr !

Et voilà comment on est passé de « 70 000 filles potentiellement menacées qui seraient protégées d’un mariage forcé si on relevait l’âge minimum du mariage à 18 ans » à « plus de 70 000 mariages forcés par an en France ».

Peut-être me gouré-je, mais je suis en tout cas plus plausible...

Fabienne Vansteenkiste