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Lettre d'information de Pénombre

association française régie par la loi du 1er juillet 1901

Novembre 2006– numéro 44[Table des matières]

 

MÉLI-MÉLO


Chimère mathématique

Imaginez un groupe de personnes, ou de pays, qui cherchent un compromis pour adopter une ligne de conduite commune. Les désirs de chacun ne pourront être entièrement satisfaits ; après des discussions pendant lesquelles certains auront tenté de rallier les autres à leurs vues, supposez qu’un accord soit trouvé sur les points qui conviennent à tous. Il y aura presque sûrement alors quelqu’un pour dire : « l’accord s’est fait sur le plus grand dénominateur commun », et, complice : « oui, vous savez, le PGCD de notre enfance... »

La recherche des éléments qui peuvent satisfaire chaque partie s’apparente à la recherche de diviseurs communs à des nombres entiers, et il est naturel de tenter d’en associer le plus possible ; on est donc tout près de l’idée de « plus grand commun diviseur », le PGCD, en effet. Mais puisqu’il s’agit de s’accorder, il est impensable d’utiliser dans ce cas le mot «diviseur». C’est alors que nostalgie et confusion se donnent la main pour aller chercher un autre grand classique des écoliers : la réduction au même dénominateur. Réduire des fractions, en somme réduire des divisions, on est bien là, c’est vrai, dans un registre diplomatique. Pour réduire des fractions à un même dénominateur, on cherche un multiple commun à tous. Et celui qui simplifie les calculs est le plus petit : le PPCM. Cependant n’importe quel multiple de ce nombre convient aussi, il n’y a donc pas de plus grand dénominateur commun, il y en a un plus petit. Mais « le plus petit », cela ne convient pas pour qualifier le meilleur accord possible.

Le langage courant a donc donné naissance à un être hybride, le « plus grand dénominateur commun », qui n’est arithmétiquement pas viable. Est-ce inconsciemment pour signifier que, souvent, ces compromis eux-mêmes sont hélas bien fragiles ?

Françoise Dixmier