Les inédits

Plus vite que son ombre…

Le Courrier Picard du 12 août 1999, commentant l'éclipse de la veille: "le cône d'ombre, se déplaçant à la vitesse de 2'800 km/h, a parcouru 13'000 km en un peu plus de 3 h 30." Ce qui est dit là est faux. Qui se souvient encore des bons vieux problèmes de trains de la Communale? De nos jours, où on ne sait calculer qu'avec une calculette, l'on n'a plus l'idée des ordres de grandeurs.

13'000 divisé par un peu plus de 3 et demie doit faire pas loin de 12'000 divisé par 3, c'est à dire quelque chose de l'ordre de 4'000. Un peu plus précis, mais toujours de tête, voici comment je fais: je multiplie par 3, car 3 et demie par 3, ça fait à peu près 10 et ça va être facile de diviser par 10. Donc, le résultat est comme 39'000 divisé par 10, soit 3'900. Affinons encore: il fallait diviser non par 10, mais par 10,5 (puisque 3 x 3,5 = 10,5). Je suis donc 5% trop haut; ôtons 5% de 3'900, soit presque 5% de 4'000, c'est à dire 200. Résultat: 3'900 - 200 = 3'700. Et non 2'800. (Si vous posez la division, vous arrivez à 3'714, mais cette précision n'est pas nécessaire. On peut aussi utiliser une calculette.)

Si le lecteur n'est pas en éveil sur des erreurs pourtant aussi évidentes, comment ne va-t-il pas se laisser abuser par des chiffres moins contrôlables (sur l'endettement du tiers monde, l'immigration, la délinquance, la teneur des poulets en dioxine, etc.)!

En réalité, ici, la zone d'ombre se déplaçait bien, en France, à la vitesse d'environ 2'800 km/h. Mais, pas uniformément sur tout son parcours: aux extrémités, elle allait plus vite. Ceci a été occulté.... La phrase citée compactait deux informations exactes mais distinctes. Une ellipse, en somme.

Mélanie Leclair