Voici trois textes qui traitent du même sujet, du seul sujet qui divise éternellement le sujet : celui des hommes et des femmes - ici, plus précisément, celles et ceux qui gagnent leur vie.
Roland s’interroge sur la mesure de l’écart qui les sépare, Claude (masculin) commente ce premier texte et enfin Dominique (féminin) conclut à propos des deux. Tout est clair.
En général, les femmes gagnent plus ou moins… moins que les hommes
Dans le recueil de données statistiques consacré aux femmes, publié par l’INSEE, on nous dit dans l’introduction au chapitre revenus : « En moyenne, le salaire des femmes est inférieur de 20% à celui des hommes » (1). La même réalité, en renversant la comparaison, aurait pu se formuler : « En moyenne, le salaire des hommes est supérieur de 25% à celui des femmes ». Le chiffre synthétisant l’écart de salaire hommes/femmes est dans la seconde comparaison un peu plus élevé bien qu’il résume exactement la même réalité.
Dans l’une de leurs fiches d’information, dont l’idée est au demeurant excellente, consacrée à la question des inégalités de salaires entre hommes et femmes, les rédacteurs de Critiques sociales sont pour le moins imprécis quand ils écrivent : « Écart : - 22 % au détriment des femmes » (2). En effet, dans l’exemple retenu, les hommes sans diplômes gagnent 22% de plus que leurs homologues femmes (ou alors il faut écrire que les femmes gagnent 18% de moins !).
On retrouve le même problème dans un numéro spécial d’Alternatives économiques qui nous donne notamment les écarts de salaires entre hommes et femmes dans une série de grandes entreprises. On apprend par exemple que les salaires des femmes employées de la Lyonnaise des eaux sont inférieurs de 17% à ceux des hommes, ou encore que les salaires des cadres femmes des Galeries Lafayette sont inférieurs de 38% à ceux des hommes. Le commentaire en face du tableau statistique souligne la bonne nouvelle : « les écarts de salaires hommes femmes semblent s’être stabilisés » (3). Notons en passant que cette stabilisation des salaires n’est pas vraiment une « bonne nouvelle » pour les femmes quand on sait que dans la période précédente (1970-1985) les écarts de salaires entre hommes et femmes à diplôme équivalent avaient tendance à se réduire et que depuis quelques années cette tendance à la réduction des écarts est bloquée (4). La revue économique aurait pu faire les calculs dans l’autre sens et constater que les employés de la lyonnaise gagnent 21% de plus que leurs homologues femmes ou que les cadres masculins des grands magasins parisiens gagnent 62% de plus que les cadres femmes.
En effet, plus les écarts de salaire sont importants, plus les écarts entre nos deux chiffes sensés résumer la situation sont grands. Prenons un exemple très simple pour illustrer une dernière fois ce problème, mettons un salaire de 100’000 francs par an pour les femmes et de 200’000 francs par an pour les hommes, les femmes gagnent alors 50% de moins que les hommes ou… les hommes gagnent 100% de plus que les femmes !
Bref, selon que l’on souhaite mettre en lumière l’ampleur des écarts ou plutôt le contraire…
Roland Pfefferkorn
(1) INSEE et Service des droits des femmes, Les femmes, INSEE, Coll. contours et caractères, 1995, p. 145.
(2) Fiche d’information n° 2, série Emploi - Revenus (Pour se procurer ces fiches écrire à Critiques sociales, 168 rue Cardinet, 75017 Paris).
(3) Alternatives économiques, n° 27 hors série, ler trimestre 1996, p. 56-59.
(4) Les femmes, op. cit., p. 153.
Pénombre, Août 1996