Pénombre
Bienvenue sur www.penombre.org
Publications
Home page
Rechercher
Contact
Numéros
Thèmes
Auteurs

COURRIER DES LECTEURS

(Décembre 1998 - numéro 17)

Décalage - Réponse de Victor Descombres - Epidémiologie - Statistique et démocratie

 

Décalage

Juste un petit mot qui pourrait s'intituler "… mais persévérer est diabolique". À la page 5 de la dernière Lettre blanche, sous le titre "l'erreur est humaine" je lis "En matière de récidive sexuelle aggravée, entre 1,5% et 2,5% des condamnés pour attentat à la pudeur ont été arrêtés et jugés pour un viol dans les années suivantes"; c'est moi qui souligne.

En effet, je trouve qu'il y a un contraste étonnant entre la précision du pourcentage et l'imprécision du complément de temps: s'agit-il de l'année, des cinq ans ou des vingt ans après la première condamnation? En fin de compte, cette phrase n'a que l'apparence de la rigueur. Elle n'est guère plus convaincante que l'affirmation hâtive du journaliste de France-Inter!

Je suppose d'ailleurs qu'on pourrait "retourner" la statistique en découvrant que la plupart des auteurs de viols avaient été auparavant condamnés pour attentat à la pudeur.

Peut-être le sujet de la délinquance sexuelle est-il trop délicat pour être confié aux seuls statisticiens? Il y a un tel décalage entre ce que nous ressentons et ce que les chiffres semblent vouloir nous prouver que, exceptionnellement et bien qu'adhérent de Pénombre, j'ai plus envie de me fier à mes sentiments qu'à des statistiques. Cordialement.

30 juin 1998

Eric Morvan
Professeur en math sup au Lycée Bertran-de-Born de Périgueux

 

 

Réponse de Victor Descombres

Tout de suite après la phrase citée par Eric Morvan et jugée, par lui, bien imprécise, on pouvait lire la chose suivante: "Pour plus de précisions sur les questions de méthode, retournez à la source, comme il se doit: Burricand (C), "La récidive des crimes et délits sexuels", ministère de la Justice Infostat Justice, n°50, décembre 1997. Différence considérable avec les propos du journaliste épinglé dans notre papier qui affirmait sans la moindre référence que "les délinquants sexuels sont le plus souvent récidivistes".

Dans le document cité, on trouve les précisions suivantes: "Dans cette étude, le parcours pénal de tous les condamnés pour viol ou attentat à la pudeur entre 1984 et 1995 a été étudié. […] S'agissant de la récidive d'attentat à la pudeur, des taux ont été construits jusqu'en 1995 sur cinq cohortes de condamnés de 1984 à 1988, soit avec sept à onze années de recul […] Pour la récidive aggravée "attentat à la pudeur suivi de viol", des taux voisins de 2% sont observés pour les cohortes les plus anciennes (1984 et 1985). Entre 1986 et 1988, les taux de récidive constatés oscillent entre 1,1% et 1,4%. Ils peuvent être majorés de 0,5% pour tenir compte des réitérations à venir."Le taux de réitération aggravée se situerait alors dans une fourchette comprise entre 1,5% et 2,5%. Comme dirait mon ami Sempé: "rien n'est simple".

Eric Morvan pourra aussi se reporter à l'étude citée pour découvrir le caractère erronée de son affirmation selon laquelle "la plupart des auteurs de viols avaient été auparavant condamnés pour attentat à la pudeur". Je n'ose pas dire que la proportion est de l'ordre de 5 à 10% et non de 80 ou 90% car notre correspondant me dira, à juste raison, que c'est bien imprécis. Reste la question du décalage…

 

Epidémiologie

Un haut fonctionnaire qui préfère garder l'anonymat - ah! ce goût immodéré de l'ombre - nous signale la parution dans le Courrier International (n°590 du 25 au 29 avril, 98 p.47) de la traduction d'un article de Helen Phillips et Henry Gee publié dans la revue Nature (Londres) et intitulé "Aubergines, chapeaux et statistiques: le port du chapeau accroît-il les risques des cancers et la consommation d'aubergines protège-t-elle des angines? Bref faut-il croire aux statistiques? Oui, à condition de s'armer de bon sens".

On y trouvera exposé un grand nombre de relations statistiques factices d'un intérêt pédagogique certain. Exemple: "Dans un article sur les chats et leur étonnante capacité de survie, le chroniqueur suggérait qu'en passant par la fenêtre, plus un félin tombe de haut, plus il a de chances de s'en sortir. Cette hypothèse - erronée - était fondée sur de surprenantes statistiques montrant que sur 22 chats conduits chez le vétérinaire après une chute du septième étage seul un avait succombé. Et les 15 animaux qui avaient été soignés après être tombés au moins du neuvième étage avaient tous survécu. Cherchez l'erreur."

 

Statistique et démocratie

Maria Luisa Cesoni de l'université de Genève nous informe de la sortie d'un ouvrage publié conjointement par l'Office fédéral de la statistique, l'Académie suisse des humanités et des sciences sociales et le Fonds national de la science intitulé: La statistique au service du public. Ce livre multilingue (français, anglais, allemand) de 404 pages (36 FS) est ainsi présenté par l'éditeur: "De hauts représentants des sciences sociales et du monde de la recherche débattent de l'importance que la statistique et la recherche empirique en sciences sociales revêtent pour l'observation des sociétés modernes et pour le bon fonctionnement de la démocratie. Ils donnent un nouvel élan à la coopération entre la statistique publique et les sciences sociales en Suisse et en Europe".

 

Editeur: Bundesamt für Statistik, Spedition, Schwarztorstrasse 96, 3003 BERN Tel. 00 41 31 323 60 60, Fax 00 41 31 323 60 61.