|
||||||||||||||||||||||||
LE SALAIRE DES CADRES ET DES AUTRES Juillet 2002- numéro 30 [Table des matières]
Travailleuses, travailleurs Un article de la lettre de Pénombre n° 28 (Alfred Dittgen) sinterrogeait sur la disparition des prolétaires et la fonte de la catégorie « ouvriers ». Voici un article des Échos (7 mars 2002) qui, à partir dune étude de lInsee, titre « un cadre gagne en moyenne 2,6 fois le salaire dun ouvrier ». Passons sur (mais pas sous silence) lincorrection de ce « un » : lequel ? et quest alors sa moyenne ? On doit pouvoir trouver un certain cadre et un certain ouvrier tels, que le premier gagne vingt fois plus que le second. Et, un autre cadre et un autre ouvrier tels, que le premier gagne sensiblement moins que le second Il fallait écrire « les cadres gagnent en moyenne » Cela dit, larticle nest pas mal fait. Il explique en particulier « une réalité beaucoup plus complexe. Une partie de la progression constatée sexplique par laugmentation de la part des cadres ( ) parmi les salariés. » (En comprenant bien « la part » comme leur proportion dans le nombre total et non pas comme la part de la masse salariale quils sattribuent : ce qui est vrai aussi, mais cest autre chose.) Or, cet « effet de structure », pour réel et intéressant quil soit, brouille beaucoup la signification des résultats rapportés. Je me souviens quil y a une petite quarantaine dannées, le salaire moyen des cadres était égal à 4 fois celui des ouvriers. Bien que le présent article rapporte que lécart na guère varié depuis quelques années, si lon a une mémoire plus longue, on se dit que linégalité des salaires sest donc fortement réduite : lécart passe de 4 à 2,6. Elle sest réduite, quoique pas autant ; mais ce nest pas par la comparaison de moyennes catégorielles quon peut le saisir. En effet, ce ne sont plus ni les mêmes cadres ni les mêmes ouvriers (Cf. larticle dA. Dittgen). Les manuvres ont quasi disparu : leurs enfants, même sils sont encore ouvriers, ont une qualification supérieure et on peut parler dune augmentation de la moyenne des ouvriers. Ceci explique en partie le rapprochement des deux moyennes. Dans le même temps, le nombre de cadres a explosé. On peut se demander si les actuels ont « en moyenne » la qualification de leurs devanciers. Ceci voudrait dire quils sont relativement moins bien payés quavant. On peut aussi soupçonner quon baptise dorénavant « cadres » certains techniciens : la catégorie des cadres aurait été alimentée par des gens qui, sans être pour autant mieux payés, auraient fait baisser la moyenne. Dans ce cas, la réduction de lécart avec les ouvriers serait due à un effet dappellation, à une déqualification du titre de cadre. On peut encore penser que les cadres, même identiques à ceux de jadis, étant plus nombreux ne peuvent plus aussi aisément quune petite élite sarroger un salaire élevé, car cela deviendrait coûteux pour lentreprise. Enfin, on peut aussi constater que les cadres à quarante ans de distance sont plus formés, appliquent des technologies plus efficaces et, quelle que soit leur position parmi les autres, ont connu une forte hausse de leur pouvoir dachat. Dans ce cas, même relativement déclassés, ils sont encore en meilleure position quavant. Cette remarque se prolongerait en disant que les ouvriers, quant à eux, ont encore plus profité de la formation et de la technologie. Bref, lécart en question recouvre beaucoup de choses. Au point quon se demande ce quil faut comprendre du chiffrage avancé. René Padieu, statisticien |