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Juillet 2002 numéro 30 [Table des matières]
Et lon voit de la flamme aux yeux des jeunes gens. Mais, dans lil du vieillard, on voit de la lumière. Victor Hugo, « Booz endormi »
À propos de turpitude Ces jours derniers, des gens « bien propres sur eux » nostalgiques du régime nazi ont défilé, dans la ville où je suis née (Vienne, Autriche). Combien étaient-ils ? Je ne sais pas. Je sais que cette manifestation naurait pas dû être. Mon pays dadoption, la France, vient daccorder 5,5 millions de voix, lors des élections présidentielles, au représentant dun parti xénophobe et raciste. Le pays de la trilogie « Liberté, Égalité, Fraternité ». Peut-être est-ce loccasion de rappeler que, dès lorigine, Pénombre repose sur un projet éthique. Certes, nous voulons contribuer, par nos analyses, nos échanges, par notre intelligence collective à lamélioration du débat public et participer ensemble à la vie démocratique de notre pays, mais nous avons aussi lambition daméliorer nos propres façons de faire, dans la cité. Aussi, certains parmi les nouveaux adhérents de Pénombre se posent-ils, peut-être, des questions sur la devise de Pénombre, empruntée aux juristes, qui figure en quatrième de couverture de la Lettre blanche : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » que notre traductrice officielle, Helen Arnold a traduit, en anglais, dans le numéro 26 spécial Séoul par « ones own turpitude is never something to boast of ». Pour éclairer nos nouveaux amis et surtout ceux qui pourraient le devenir, ne devrait-on pas reproduire de temps en temps, dans la Lettre blanche une fois tous les neuf ans par exemple le préambule aux statuts de notre association qui date de septembre 1993 : « Que Pénombre soit ! ». Il permet de comprendre de quelle turpitude il est question et quelles sont les armes des Pénombriens pour la combattre. Le Colonel qui a cette vilaine habitude de lire par dessus mon épaule quand je suis devant mon ordinateur me propose une traduction à lui de notre devise. À lui, si lon peut dire. Jai évidemment reconnu un aphorisme de lami Arthur [Schnitzler, ndlr] : « Tu dois me prendre comme je suis, dit le tigre en sapprêtant à bondir. Toi aussi dit le chasseur en labattant dun coup de fusil. ». Arthur est décédé en octobre 1931. Ayant dû fuir mon pays devenu fou, jétais en France depuis le mois de juillet. Deux ans plus tard, jobtenais la nationalité française. Soyons vigilants. Votre dévouée Clara Halbschatten,
NDLR : Cest bien volontiers, que nous acquiesçons à la proposition de notre amie Clara, encore que, à la relecture, le lien entre ce texte et la devise de Pénombre ne saute pas aux yeux.
Préambule des statuts de lassociation Pénombre (1er juin 1993) Chercheurs en sciences sociales et statisticiens produisent des connaissances chiffrées sur leurs objets détude. Il est de leur devoir daccompagner la diffusion de ces résultats dun exposé suffisant des conditions de leur production. Ce qui nest pas toujours aisé car la demande qui leur est adressée fait généralement peu de cas de ces considérations méthodologiques. Et même en mettant les choses au mieux, le débat public appelle le chiffre et tend à se lapproprier dans un registre où les repères objectifs disparaissent. Pénombre pourrait être un lieu privilégié pour cette mise à nu du passage entre un champ restreint où les chiffres peuvent encore faire lobjet dune analyse critique et un cercle beaucoup plus large où le besoin de chiffres na que faire des précautions scientifiques et où les querelles de chiffres passent pour des joutes rhétoriques. Lentreprise suppose donc la rencontre des acteurs de cette scène du nombre qui ne font en général que se croiser en coulisses, représentant le plus souvent un intérêt professionnel propre. Nous identifions parmi eux les producteurs de données, les chercheurs et universitaires, les journalistes, les responsables publics ou associatifs, les acteurs politiques Mais il ny a pas dexclusive sous-jacente à cette liste et, loin dêtre prisonnier de son personnage, chacun peut jouer tour à tour plusieurs rôles. Ceux qui prennent linitiative de faire vivre Pénombre ne partent pas de rien : lidée aujourdhui se précise après de premiers échanges et des essais de lettre-bulletin. De fait un ensemble de relations existant déjà entre des individus concernés par Pénombre, quils le sachent ou non, nous pousse à vouloir étendre une possibilité déjà partiellement concrétisée : une possibilité de modifier les rapports et les clivages qui se produisent autour du nombre et de questions intéressant notamment le champ du pénal. Au delà des oppositions traditionnelles, Pénombre devrait sappuyer sur le rapprochement de ceux qui abordent de façon responsable les domaines où la démagogie et lutilisation sans scrupule de chiffres quelquefois inventés ne sont payants quà court terme (insécurité, délinquance, immigration, toxicomanie, violence, prévention, répression ). Prudence dans les constats, esprit critique dans les bilans, sentiment durgence devant les questions sont partagés par nombre dacteurs de ces domaines dintervention publique. Mais lacquis est fragile, il doit être défendu et son maintien ou son développement suppose que ceux qui sy reconnaissent puissent continuer à saccorder sur certains points, à sinterroger sur leurs désaccords et explorer des voies de dépassement. Pénombre est tout à la fois un lieu sans localisation précise, un périodique, une structure faiblement organisée, un réseau sans câbles, un éclairage sans projecteur, le tout animé par quelques esprits vaguement éclairés, en quête dun supplément de lueur. Pénombre entend se définir en pratique mais compte garder des principes. Il ny a pas de ligne mais lexigence est la règle. Il ny a pas de censure mais le souci de rectitude est constant. Dans cette démarche, chacun garde ses intérêts mais se garde dy asservir lautre. Pénombre pourrait être laffaire de quelques pythagoriciens survivants de la post-modernité. Cependant, si le nombre y est considéré dans toute sa plénitude et échappe ainsi à ses diverses réductions, mathématiques, statistiques, sociologiques, philosophiques, politiques, médiatiques, il nest pas question de le traiter comme un être doué dune quelconque existence propre. Rapport, outil, discours, le nombre est notre production. Quil sagisse de faire circuler entre nous non pas une plaquette glacée au contenu insipide et standardisé, ni un « quatre pages pour ceux qui nont pas le temps de lire », mais un bulletin insoutenablement léger, un numéro de Pénombre tout simplement, ou quil sagisse de provoquer des rencontres en cercles non concentriques de ceux qui se rencontrent déjà et de ceux qui ne comprendront pas comment ils ont pu ne pas le faire, le cadre que nous choisissons est celui de lassociation. Ladhésion et la cotisation seront le mode de fonctionnement, au moins provisoire, de Pénombre. La cotisation devrait permettre la réalisation de quelques numéros de Pénombre dont lessentiel viendra dun travail bénévole. Ladhésion est aussi la marque du partage dobjectifs et de principes minimaux. Lecteur, tout membre de lassociation sera invité à sortir de lombre, à en devenir auteur et promoteur. Pénombre est aussi une invitation. Sans imitation. NDLR : Que 1993 paraît loin ! Les 7 fondateurs de Pénombre ont réussi depuis à rassembler 500 personnes autour de leur projet et les « quelques numéros de Pénombre » envisagés en sont devenus 30.
Le salaire des cadres et des autres Travailleuses, travailleurs, par R. Padieu Quand Michel Ange passe à l'euro, par F. Kafka et P. V. Tournier Trois quarts pour nos moitiés, par M. Leclair Chronique d'avant "séisme" Quand le Parisien n'est ni convaincu, ni convaincant. Jospin-Chirac, le match, par P. V. Tournier Impôt cible?, par F. Pradel de Lamaze Oser zéro, c'est osé!, par A, Dussoir Et d'après Sondages et principe de précaution, par B. Guibert Du sexe des enfants...et des autres Un troisième sexe, par B. Beaufils Baby boom, par J. Airesse Alerte! Les bébés conçus par leurs parents sont en voie de disparition!, par A. D. Quand on aime, on ne compte pas - Proverbe syldave-, par P. V. Tournier Précisions sur l'imprécision, par R. Padieu Un peu de tout le classement du bonheur, par A. Dittgen Dialogue de sourd, par S. Fleurier Cathédrales englouties, par F. Dixmier Courrier des lecteurs Se souvenir des belles choses, par C. Halbschatten Les jongleries du soleil, par A. Chedid et autres courriers, par P. Honnoré (réponse deS. Noir) et D.-H. Sarrazin
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