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UN PEU DE TOUT

Juillet 2002- numéro 30 [Table des matières]

 

Cathédrales englouties

Une nouvelle unité monétaire, la cathédrale, est née dans un ouvrage récent : Le grand gaspillage – les vrais comptes de l’État (Jacques Marseille, Plon, 2002). L’auteur se sert de la cathédrale pour illustrer son propos concernant les dépenses culturelles de l’État (pages 35 à 63) :

« et détourner à son profit près de 20 millions de francs (100 cathédrales) » (p. 40)
« qui percevait 800 000 francs de subventions annuelles (4 cathédrales) » (p. 40)
« de percevoir une indemnité de départ de 107 867 francs (une demi-cathédrale) » (p. 41)
« pour un coût moyen annuel de 4,8 millions de francs : 24 cathédrales » (p.41)
« une brigade de 53 sapeurs-pompiers, pour un coût annuel de 15 millions de francs (75 cathédrales)» (p. 45)
« Le coût du gardiennage était de 31 millions de francs en 1998 (155 cathédrales) » (p. 46)
etc.

Tout commence page 39 :

« la SARL Deschamps et Deschamps (les fameux Deschiens) a reçu 8 940 000 francs de l’État entre 1992 et 1996 (…) on peut se demander si les Deschiens valent bien 50 cathédrales. »

La cathédrale est donc à 200 000 francs. Pas cher… j’achète !

Foin de facéties. 8 940 000 F, c’est beaucoup. C’est de l’argent public, et il est normal que les chiffres soient rendus publics, justement. Jérôme Deschamps, que nos intrépides envoyés spéciaux ont pu joindre (très facilement) les revendique, et les explique clairement : des subventions obtenues sur projet présenté au ministère de la Culture ; chacun des spectacles des Deschiens coûte 3 000 000 F ; le rapport subvention divisé par nombre de spectateurs est de 11,50 F, un des plus bas de tous les spectacles subventionnés, paraît-il. Les bénéfices sont imposés au 1/3 (donc une bonne part de la subvention revient à l’État), le reste est réinvesti dans des spectacles…

Nos colonnes lui sont ouvertes afin de développer ces arguments. La discussion est normale, chacun doit pouvoir s’expliquer, et chacun doit pouvoir juger.

Mais il faut que les chiffres soient présentés honnêtement. Or le texte de la page 39 se poursuit ainsi :

« Je m’explique. Prisonnier des « avantages acquis », le ministère peut en effet difficilement assurer l’entretien des 20 000 bâtiments protégés qui sont à sa charge. C’est ainsi que le nombre de monuments historiques « en péril » ou en « état défectueux » est passé de 470 à 3 690. Or, dans ce budget qui atteint le seuil mythique de 1 % des dépenses totales de l’État, les dépenses d’entretien pour les monuments historiques appartenant à l’État et notamment les 87 cathédrales et les 100 monuments ouverts au public représentent moins de 200 000 francs par bâtiment ».

Donc :

1) Les 200 000 F représentent une dépense d’entretien annuelle.

2) Cette dépense est la dépense moyenne par monument historique. Une cathédrale est-elle de ce point de vue représentative d’un bâtiment historique « moyen » ?

3) L’auteur compare une subvention sur quatre ans (ou cinq, le texte n’est pas très clair) à une dépense par an.

Tout cela n’est justement pas très honnête.

 

 

Françoise Dixmier, professeur de mathématiques