|
||||||||||||||||||||||||
COURRIER DES LECTEURS Juillet 2002- numéro 30 [Table des matières]
Séveiller au bord de la nuit pour surprendre laube. Être à laffût du léger hâle qui teintera, bientôt, la façade voisine, piquée de ses quatre fenêtres aux volets blanchâtres, à moitié ouverts. Accueillir ces naissantes et timides lueurs qui émanent, graduellement, de limmuable horizon. Un horizon masqué par les tentures de pierre du paysage urbain. Domiciliée dans une rue étroite et citadine, chaque matin, de mon lit, jassiste aux premières jongleries du soleil sur le mur den face. Je découvre, sur lenduit encore blême, un fragment de ce clair-obscur qui accèdera, peu à peu, à la franche clarté. À cette heure, on naperçoit personne. Même pas une ombre derrière les voilages opaques. Captive du châssis de ma propre fenêtre, jobserve le bref espace du petit immeuble qui soffre à ma vue. Jexamine cette surface limitée et close. Elle se présente comme un écran, sur lequel se dérouleront bientôt les mouvements du soleil et lanimation de lexistence. Selon le climat et les saisons, ce crépi se couvrira de toutes les variations, de toutes les subtilités de la mise à jour. Approche ténue, vaporeuse, des matins sur le point de naître. Lentement, la vie reprendra racine
Andrée Chedid, « Née des ténèbres » Une réflexion qui me vient à propos de votre article « Très précisément pauvres » de janvier 2002, mais que je viens de découvrir aujourdhui sur le net. Il y a là un très réel problème théorique. Je ne suis pas mathématicien, mais je pense que cette loi existe et doit être connue des spécialistes, selon laquelle la précision arithmétique dun calcul doit être pondérée en fonction du caractère arbitraire des paramètres de délimitation des données. Si vous aviez les références dune étude ou dun manuel de statistique sur ce sujet, je serais heureux de pouvoir en savoir plus. Jose espérer que cette loi est prise en compte dans les études sociales dignes de ce nom. Quant aux statistiques administratives et journalistiques, nous savions que leur caractère scientifique était quelque peu douteux, et cela ne nous fait pas changer davis. Au delà de cette constatation, je remarque que philosophiquement, nous (le grand public), qui nous laissons impressionner par des énoncés du style « 26,45 % des familles agricoles [de tel département] sont pauvres » avons du mal à dépasser une religion de larithmétique (leibnitzienne ?) et à reconnaître que là peu près (« un quart », ou tout simplement « beaucoup ») peut porter plus de vérité que « 26,45 % ». Incidemment, cela peut aussi nous faire réfléchir sur le fait que les fondements de la comptabilité fiscale, sociale, administrative, étatique, qui, eux, ne connaissent que les « deux chiffres après la virgule », nont rien de scientifique, et que, partant, notre « démocratie » nest peut-être pas un gouvernement (au sens de Rousseau) si naturel que nous continuons à le croire.
Patrick Honnoré, Tokyo
La rédaction de Pénombre ma transmis votre lettre et je suis très impressionné que ma modeste contribution ait un écho jusquau Japon. Je partage tout à fait vos vues mais ne pourrai vous donner les précisions que vous demandez. Nétant pas mathématicien moi-même, je ne connais rien de la théorie ni des usages statistiques. Je sais seulement que, lorsquon signe un chèque ou quon établit un bilan, on inscrit scrupuleusement les centimes ; mais que, auparavant, dans une négociation commerciale, on a bien pu accorder au client un rabais forfaitaire de 10 % tout rond, qui rend sans signification la nécessaire précision comptable. Jai posé à un ami statisticien votre question sur un manuel statistique. Il me dit quà sa connaissance, les manuels ignorent cette question des conventions et de leur impact sur les résultats. Il ajoute que, si les professeurs en parlaient à leurs élèves, ceci les « barberait » considérablement ! Je vous rejoins donc pour regretter que nos concitoyens soient aussi peu conscients de ce quun ordre de grandeur est en général bien suffisant. Plus clair aussi, finalement : quand on vous dit 25 %, vous comprenez « un quart », tandis que si vous voyez écrit 26,45 votre il et votre esprit doivent faire un effort, même minime, pour éliminer les chiffres inutiles. Et, puisque vous parlez de gouvernement et de démocratie, je me dis que lapprentissage du sens des chiffres devrait se faire, à lécole, non pas dans le cours de mathématiques mais dans celui dinstruction civique.
Stéphane Noir, cadre commercial retraité Revenant sur larticle qui traitait du centre de la France (A. Dittgen : « Nombrilisme géographique », n° 21, mars 2000), un lecteur nous écrit : En ce qui concerne la mention ridicule à mon sens du « centre de la France », je métonne que vous ne placiez pas le problème dans sa vraie dimension : le territoire français est constitué de portions dun sphéroïde, la Terre nétant pas plate... Dans ces conditions, le vrai centre a toutes les chances de se trouver sous lécorce terrestre et entouré de lave. La France possède en effet de nombreux « confetti » outre-mer (parfois aux antipodes de la métropole !). Ce genre de calculs est sensible aux positions très écartées, même si les superficies en cause sont réduites. Même en sen tenant à la métropole, le « centre » doit être situé très profondément sous terre, une dizaine de kilomètres selon un rapide calcul approché.
Didier-Henri Sarrazin
NDLR : Le « centre de la France », cest effectivement un peu ridicule, cest dailleurs ce que laissait entendre larticle. Cela étant, cest aussi affaire de convention, cétait lautre « message » de ce texte. Rien ninterdit de chercher le centre dun pays sur une carte plutôt que sur un sphéroïde. De toutes façons, la commune désignée comme le nombril de la France na sûrement pas lintention ni les moyens de creuser un puits de 10 km pour atteindre le « vrai centre ». |