Il est des
comparaisons qui ne veulent rien dire car elles reflètent moins
des écarts de performance ou de mérite que des différences
de masses entre les entités comparées. D’autres
fois, Pénombre avait ainsi fait remarquer que dire que «
l’Île-de-France est la région la plus riche »
parce qu’elle concentre une plus grosse part du revenu national
que les autres résulte en bonne part du fait que sa délimitation
est telle qu’elle englobe de toute façon une part importante
(un cinquième) de la population.
Le Point (2 septembre 2004) nous donne un autre exemple : si au lieu
de comptabiliser séparément les médailles olympiques
des vingt-cinq États de l’Union européenne on les
avait totalisées, on obtiendrait 228, soit plus du double des
103 des États-Unis, la nation la plus médaillée.
Lorsqu’on passe de l’individuel à la statistique
et qu’on additionne des médailles, on exprime une réalité
composite dont la démographie est en bonne partie responsable.
On nous annonce, pour les prochains Jeux, que la Chine arrivera en tête
de ce classement : regroupant le cinquième de l’humanité,
ce ne serait pas surprenant. Ce qui est significatif est bien plutôt
qu’elle ne fasse pas déjà ce score et l’événement
sera qu’elle ne fera plus exception.
Les classements sportifs ont été
évoqués à plusieurs reprises par Pénombre.
Voir en particulier le n° 34 de la Lettre blanche (Dossier «
Palmarès ») et la Lettre grise n° 7 « C’est
la note qui compte ». Que le nombre de médailles dépende
de la taille de la population a aussi été traité
dans la rubrique courrier du Monde où un lecteur a proposé
de compter le nombre de médailles par million d’habitants,
et un autre a suggéré de compter, comme dans le Point,
les médailles de l’Union européenne. Un Pénombrien
réagit.
Pour que le nombre de médailles par million d’habitants
de chaque pays représente une réalité, il faudrait
aussi que le nombre d’athlètes admis à participer
soit proportionnel au nombre d’habitants de chaque pays, ce qui
n’est pas le cas. Le calcul du premier lecteur favorise au contraire
les pays les moins peuplés, puisqu’à ceux-ci est
attribué un nombre bien plus grand de participants par million
d’habitants. Cette erreur ne sautant pas aux yeux, la classification
obtenue est encore plus fallacieuse que celle du simple décompte
de médailles.
Cumuler les médailles obtenues par les vingt-cinq pays de l’Union
européenne est tout aussi loin de la réalité. Il
aurait fallu ne prendre en compte que les meilleurs résultats
en se limitant au nombre maximum d’athlètes autorisés
à participer par catégorie et par pays. Plus proche en
apparence de l’objectivité, ce résultat en serait
lui-même loin, parce que le nombre total d’athlètes
engagés par les 25 étant environ 25 fois plus grand que
celui d’un seul pays, les aléas dans la sélection
des participants et dans leur état de forme le jour de la compétition
sont ainsi éliminés. Il est donc impossible de dire si
l’équipe européenne souhaitée par les second
lecteur ferait mieux ou moins bien que l’équipe des États-Unis.