Lettre d'information de Pénombre
association française régie par la
loi du 1er juillet 1901 |
Novembre 2004 numéro 38[Table
des matières]
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Les inconvénients des lumières ne
sont évités que par
un plus grand degré de lumière.
Madame de Staël, De l’Allemagne
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Chers Pénombriens,
DANS VOTRE DERNIERE LETTRE,
vous nous demandiez de « sauter à nos plumes » en
commençant par un courrier. Le voici.
Je voudrais d’abord vous dire que je suis ravi par la lecture
régulière des lettres de Pénombre, car, en tant
qu’ancien matheux, je n’ai plus le niveau pour lire les
revues spécialisées de mathématiques mais je suis
par contre un peu frustré de voir l’ignorance de cette
matière et de ses réflexes de rigueur en « sciences
molles ». Pénombre illustre parfaitement le fait que les
mathématiques deviennent une science ardue et élitiste
dès la règle de trois ou le pourcentage qui en est une
expression traîtresse. Bref, je me découvre quelques frères
pour qui l’usage de la table de soustraction ou la prise en compte
d’une marge d’erreur n’est pas une horrible castration.
Vous vous souvenez de ce quarteron d’organisateurs de la campagne
présidentielle de Lionel Jospin qui, devant un sondage mettant
leur poulain à 17 % et un Le Pen à 16 % avec une marge
d’erreur de 1 % (ou 2 % ?), disait que l’ordre d’arrivée
inverse n’était pas « politiquement » pos-si-ble.
Par ailleurs, et dans un domaine voisin de l’« éco-
logie sceptique », évoquée dans le dernier éditorial
et dont j’entends parler dans la presse étrangère
depuis longtemps, un autre article de The Economist du 21 août
2004, intitulé « A great wall of waste » (une «
grande muraille d’ordures »), soulignait combien est catastrophique
la situation en Chine. L’article donne des exemples impressionnants,
non seulement de la pollution des usines de l’époque communiste,
mais aussi de l’époque capitaliste (mais non libérale)
actuelle. (…) D’un point de vue pénombrien je retiens
que chiffrer serait additionner carpes et lapins, à la fois du
fait de la nature du problème, du flou et de l’incohérence
des statistiques chinoises, donc que prolonger des exponentielles pour
faire « scientifique » (et vendre un film d’épouvante
au lecteur) est moins sérieux qu’une analyse qualitative.
J’attends également avec intérêt le compte
rendu de la réunion « chiffres de la santé »,
que j’ai manquée pour participer à une rencontre
algéroise (retraites et chômage, comme partout, avec une
ampleur qui fait apparaître nos problèmes comme ceux d’enfants
gâtés) où j’ai constaté que, comme
chez nous, les intervenants devraient d’urgence faire un stage
chez Pénombre. Du fait de cette absence, je rappelle le point
de ma minuscule contribution à la préparation de cette
réunion, point auquel je tiens le plus : les chiffres démographiques
ont une vraisemblance ; les chiffres économiques n’en ont
aucune, tant faute de définitions précises et acceptées
par tous que des difficultés de mesure ; mais les chiffres juridiques
(ceux qui déclenchent une obligation immédiate comme le
montant des remboursements, les salaires des personnels de santé)
sont exacts par définition, même s’ils ne veulent
rien dire économiquement. Or, les problèmes concrets des
gouvernants, ce sont les chiffres juridiques.
Un autre champ intéressant à étudier pour Pénombre
serait la discussion de la formule classique « les pauvres sont
toujours plus pauvres et les riches toujours plus riches ». Cette
thèse, ou son démenti, remplissent les journaux (pas les
mêmes) avec des arguments à première vue irréfutables.
À première vue seulement. Une différence d’approche
à noter est que les uns prennent le pays comme unité quand
d’autres prennent la population. Or, il y a beaucoup de pays très
pauvres, et peu de pays s’enrichissant rapidement (l’Inde,
la Chine). Mais ces derniers représentent environ la moitié
de la population du « Sud ». Une autre façon de biaiser
dans le même sens les résultats est de ne retenir au Sud
que ceux qui progressent le moins, ou régressent (bref, encore,
d’exclure la Chine et l’Inde). À la limite, on comparerait
le Zimbabwe et les États-Unis. Bref, on démontre que certains
pauvres sont de plus en plus loin de certains riches. C’est indiscutable,
mais très différent du problème posé (en
l’occurrence, la solution est théoriquement simple : remplaçons
Mugabe par Mandela et l’écart avec les États-Unis
sera divisé par 4 en 2 ou 3 ans). Je laisse les cerveaux de Pénombre
trouver les arguments de sens inverse.
Yves Montenay
CONFUSIONS ET INCERTITUDES
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