Dans un article intitulé
« Une statistique singulière », qui n’a pas
paru dans la Lettre blanche mais que l’on peut trouver sur le
site(1), je me gaussais de la « population » de Cumières-le-Mort-Homme
(Meuse) au recensement de 1990, constituée d’une seule
personne. Je terminais en disant que cette commune avait perdu depuis
lors cette personne mais qu’au recensement suivant, celui de
1999, on en trouverait sûrement une autre avec un seul résident,
vraisemblablement parmi celles qui en avaient deux en 1990, à
savoir : Caudiès-de-Conflent (Pyrénées-Orientales),
Leménil-Mitry (Meurthe-et- Moselle) et Rochefourchat (Drôme).
Effectivement, en 1999, le dernier village de cette liste se trouve
dans cette situation. Le second est resté à deux habitants.
Quant au premier, sa population est passée à six habitants,
« une augmentation de 200 % ».
L’objet de l’article en question était de montrer
l’inanité des règles très restrictives
de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
(CNIL) concernant la diffusion des résultats du recensement.
Ces restrictions seraient justifiées parce que la « première
des règles [de diffusion] est de préserver l’anonymat
», afin qu’il soit « impossible, à partir
des données diffusées, d’établir un profil
sur une personne, encore moins de l’identifier même indirectement
». Ces restrictions n’ont guère de sens puisque
les statistiques du recensement sont fournies par commune et que la
plupart de ces unités territoriales de base présentent
des effectifs de population bien inférieurs aux seuils fixés
par la CNIL pour autoriser la diffusion des données(2).
Cette diffusion se fait maintenant par l’internet. L’INSEE(3)
fournit une quarantaine de tableaux pour chaque commune, lesquels,
sauf ceux qui donnent quelques données anciennes, ne comportent
évidemment que des « 0 » et des « 1 »
à Rochefourchat. On apprend donc que la « population
» de cette commune est masculine et qu’elle a entre 25
et 39 ans. Avec la pyramide des âges, également fournie,
on peut préciser : 38 ans. Qu’elle vit dans une maison
de deux pièces, dont elle est propriétaire, maison construite
avant 1915 et dans laquelle elle a emménagé avant 1990.
Que cette personne travaille à mi-temps et est salariée
et qu’elle a atteint le niveau du CAP-BEP.
Mais, curieusement dans les tableaux donnant le classement par catégorie
socioprofessionnelle on ne trouve que des « 0 ». Mystère
de la statistique ou essai de préservation de l’anonymat
?
Comme le village en question comporte six résidences secondaires,
je me suis dit que son résident permanent était peut-être
employé à garder ou à entretenir celles-ci. Mais
ce ne semble pas être le cas, car on apprend aussi que notre
« héros » est un navetteur, comme disent nos cousins
belges(4) (ils prononcent « nafteurs »), c’est-à-dire
qu’il travaille dans une autre commune. Celle-ci se trouve dans
le même département et, est-il précisé,
dans « la même région » pour ceux qui n’auraient
pas conclu ainsi.