L’illettrisme en France
fait régulièrement la « Une » des médias,
qui nous annoncent qu’un pourcentage non négligeable
de Français ont des problèmes avec la lecture. Vu la
façon dont ces informations sont présentées,
on en retire souvent l’impression que la situation dans ce domaine
se détériore et que l’école est moins efficace
que par le passé.
Remarquons d’abord que la plupart des enquêtes sur cette
question, comme sur d’autres, portent non sur les Français
mais sur les habitants de la France. Or, parmi ceux-ci, il y a des
étrangers dont certains sinon beaucoup n’ont pas été
scolarisés ou pas scolarisés dans notre langue. Et même,
parmi les personnes de nationalité française il y a
des immigrés dont la situation est identique. Le lien un peu
rapide que l’on a tendance à faire entre l’illetrisme
et l’école en France est donc pour le moins à
nuancer.
Par ailleurs, le pourcentage unique généralement avancé
dans les médias n’a pas grand sens car l’illettrisme
est très variable selon l’âge. Ainsi, une enquête
de l’INSEE de 2002 (INSEE Première n° 959 d’avril
2004), dans laquelle les difficultés face à l’écrit
ont été mesurées par la lecture de mots, l’écriture
et la compréhension de textes simples, donne les chiffres suivants
: 4 % d’illettrés chez les 18-24 ans, 11 % chez les 25-39
ans, 13 % chez les 40-54 ans et 19 % chez les 55-65 ans. Autrement
dit, près d’un senior sur cinq a des difficultés,
mais un jeune sur vingt-cinq.
Qu’est ce que cela signifie ? Que ces difficultés s’accroissent
en vieillissant ? Ce n’est pas totalement exclu : l’illettrisme
peut s’aggraver avec l’âge du fait d’un manque
de pratique. Mais ces différences résultent surtout
de ce que l’on n’a pas à faire aux mêmes
personnes. Comme l’écrit l’INSEE, « les 55-64
ans ont fréquenté moins longtemps l’école
: 40 % des plus de 55 ans n’ont pas dépassé l’enseignement
primaire contre moins de 5 % parmi les moins de 40 ans ». On
peut encore ajouter qu’on a plus de chance de trouver des étrangers
ou des immigrés illettrés chez les personnes âgées
que chez les jeunes.
Bref, la situation n’est peut-être pas rose mais, contrairement
à ce que nous feraient croire les « Unes » sur
la question, comme les illettrés sont moins nombreux dans les
jeunes générations que dans les anciennes, elle s’améliore.
Alfred Dittgen