Lettre d'information de Pénombre
association française régie par la
loi du 1er juillet 1901 |
LA STATISTIQUE
est une science éminemment gaie et qui n’exige aucun surmenage
intellectuel, sans compter que ceux qui s’en occupent ont toujours
énormément de temps devant eux pour livrer leur petit
travail. Pourquoi cette longanimité des grandes administrations
à l’égard de leurs statisticiens ? Voilà
un problème que je ne me charge pas d’élucider.
Encore une de ces mille énigmes qui déconcertent les plus
clairvoyants des humains.
Chaque administration a son système de statistique, mais je crois
qu’il en existe peu d’aussi curieux que celui employé
à la compagnie de nos omnibus parisiens. Ainsi, par exemple,
ces messieurs sont actuellement en train d’évaluer le nombre
approximatif de voyageurs que leurs voitures transporteront en l’an
1900. Voici comment ils opèrent :
Prenons, par exemple, le cas de l’omnibus Batignolles - Clichy.
En 1889, date de la précédente exposition universelle,
ladite ligne a transporté 9 847 433,17 voyageurs.
Il est clair, disent ces messieurs, qu’en l’an 1, ladite
ligne en aurait transporté 1 889 fois moins.
Et non moins clair qu’en 1900 elle en transportera 1 900 fois
plus.
Il n’y a donc plus qu’à exécuter une simple
règle de trois et à accomplir ce petit calcul, 9 847 433,17
X 1900 / 1889.
Un bébé de vingt mois tant soit peu précoce se
tirerait facilement d’une opération aussi limpide. Et le
plus curieux, c’est que les résultats ainsi obtenus sont
généralement couronnés de succès. Que M.
Brunetière cesse donc une bonne fois de nous raser avec la banqueroute
de la science !
Alphonse Allais,
Ne nous frappons pas
Le Code général des impôts comporte
déjà 5 279 articles. Ces articles étant souvent
totalement incompréhensibles, la Direction générale
des impôts (DGI) fournit une « documentation fiscale »
pour ceux qui en auraient besoin.
En 2001, cette aide précieuse destinée donc à simplifier
la vie des chefs d’entreprise atteignait 32 531 pages : 6 915
pages pour la fiscalité personnelle, 6 878 pages pour la fiscalité
des entreprises, 5 104 pages pour le contrôle fiscal, 4 185 pages
pour les enregistrements, 4 073 pages pour la TVA, 1 917 pages pour
les impôts directs locaux, 1 849 pages pour le recouvrement et
1 610 pages pour la fiscalité immobilière. Kafka ferait
aujourd’hui une belle carrière comme directeur à
Bercy.
Ajoutons que ce fameux Code général des impôts de
5 279 articles qui nécessite 32 531 pages d’explications
a subi, au cours de la seule année 2000, 1 234 modifications.
Thierry Desjardins,
La décomposition française
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