Lettre d'information de Pénombre
association française régie par la
loi du 1er juillet 1901 |
Il y aura mis
le temps. Mais enfin c’est fait. S’étant d’abord
imposé à mon intérêt, 37 a de plus acquis mon
affection.
L’histoire remonte à loin. Cette Sophie, dont je raconte
les malheurs dans l’Âge du capitaine, cette Amélie
qui presque vingt ans après connaît le même sort, et
tous ceux qui les ont précédés, - garçons
autant que filles, n’allez pas croire que leurs ennuis sont sexués -
tous ceux qui hélas vont leur succéder. Ce sont ceux qui
écrivent trois cent onze, 30011, et quatre-vingt dix-sept 42017
ou 420107, tous ceux qui pensent que 63 est pair, que les zéros
de 320 000 peuvent être supprimés, ceux de 0,0045 rajoutés,
bref, toutes ces innombrables victimes de l’innumérisme,
puisqu’il faut l’appeler par son nom. Ils m’ont amenée
à chercher comment justifier la raison d’être tout
court, puis d’être pensés, parlés, écrits
des nombres de deux puis plusieurs chiffres.
Comment comprendre en effet que dans la suite parlée «
huit, neuf, dix, onze, douze » il y a quelque raison à
brutalement attribuer deux signes à dix, alors que rien ne le distingue
à l’oreille de ceux qui le précèdent, et que
rien n’en impose la nécessité. Pas plus que un ne
peut donner le sentiment du nombre, une dizaine ne peut donner la raison
d’être d’un système décimal que la langue
ne dévoile pas encore. Pour qu’il y ait « sentiment
du nombre », il y faut quelque insistance, ou répétition.
Là où cinquante aurait somptueusement rempli cet office,
avec un cinq qui comble l’oreille, un ante dont la fonction peut
aisément être rendue transparente, et un nombre de « dix »
consistant, il se trouve un peu long à montrer tous doigts écartés
ouverts puis refermés.
Après les neuf premiers nombres tous devenus familiers, c’est
donc trrrrente, qui s’est présenté, évoquant
du 3, sans difficulté. Il lui fallait un partenaire, sachant qu’ils
ne seraient pas trop de deux pour domestiquer un zéro prompt à
tout dévorer, et le sens en particulier. Alors lequel ? Quel
nombre qui, pour être aisément reconnu à l’oreille
tant qu’à la vue, serait le mieux à même de
l’accompagner ? Eh bien, sept. Sept, vous dis-je, parce que
représenté ou organisé en doigts, il est parfaitement
reconnaissable. Donc, voici que nous avons, petite histoire à l’appui,
besoin de garder le souvenir de ça :
(Image avec 37 doigts... non disponible sur la version
Ineternet)
qui, merveille, se dit comme ça :
trente-sept
et s’écrit, une deuxième fois, comme ça :
3 7
Et voilà, ça y est. Tous les trente et quelques suivent
dans la foulée. Et quand il n’y a pas de « quelques »,
quand après trente on n’a plus rien à dire, alors
zéro peut enfin débouler. Sans faire de bruit, parce que
si vous y réfléchissez un peu, vous constatez qu’on
ne l’entend jamais ; avec les enfants nous l’appelons
d’ailleurs le chiffre du silence, et si vous avez comme nous constaté
que « trente » s’écrit « 30 »
une fois sur dix, cette façon discrète de se ramener l’oblige
à se tenir à sa place, sans exagérer.
C’est la petite histoire de trente-sept.
Et puis, trente-sept est apparu comme par hasard quand, voulant constituer
un ancêtre numérique à ce que des collégiens
appellent « la règle de distributivité »,
c’est-à-dire (a+b)(c+d), j’ai proposé le calcul
de 37 multiplié par 21. Le résultat, quand on y arrive(1),
est joli à regarder, puisque c’est 777, et qu’on peut
dire que :
37 x 3 x 7 = 777
Mais il apparaît alors clairement que si 37 est seulement multiplié
par 3, on obtient 111, qui est joli aussi. Ceci méritait plus ample
exploration. Et, en effet :
37 multiplié par les multiples de 3 –
soit 3,6, 9,…, 24, 27 – donne 111, 222, 333, …, 888,
999.
37 multiplié par les autres nombres – inférieurs
à 27 – produit des nombres qui restent ses multiples quand
on procède à une permutation circulaire des chiffres.
Exemple : 37 x 26 = 962
Or, 629 et 296 sont multiples de 37.
Par ailleurs, du fait que : 37 x 27 = 999,
on peut démontrer que : 1/37 = 0,027027027...
et : 1/27 = 0.037037037...
Pas mal, non ?
Stella Baruk
(1) Voir dans “si 7 = 0” (du même
auteur) le long chemin que parfois il y a lieu de parcourir pour cela.
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