Lettre d'information de Pénombre
association française régie par la
loi du 1er juillet 1901 |
Mars 2005 numéro 39[Table des
matières]
Vous passez votre vie dans une lumière monotone
et vous ne savez même plus regarder les ténèbres.
Pierre Louÿs
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ÇA VA BRUIRE
Déjà,
pour l’oreille attentive et un brin exercée, ça
bruit, en ce début de printemps. Lorsqu’un nouveau « locataire »
arrive rue de Bercy, son premier discours à l’Assemblée
nationale est sans doute soigneusement pesé, pas de fioritures,
que de l’essentiel. Et de quoi a-t-il été question
cette fois-ci, lors du changement de bail ? D’expliciter
mieux la politique conduite et donc de mettre en place, dans les semaines
à venir, une « batterie d’indicateurs simples,
accessibles à tous ». L’homme entrant est chef
d’entreprise et sait donc l’importance de la quantification.
Mais, il n’est pas le premier à vouloir ainsi mesurer l’activité
publique. Ça bruit…
Le Président de la Commission des finances du Sénat le
sait bien, lui, que l’exercice est difficile. Il a pourtant à
sa disposition plus de 1 300 indicateurs destinés à
l’évaluer, cette activité publique. Il s’est
un peu inquiété de l’adéquation de ces indicateurs,
dans un rapport rendu public le 2 mars, et la presse, hilare, a pu reprendre
certaines bizarreries soulignées par notre vaillant Sénateur,
d’ailleurs lui aussi ancien habitant de Bercy. Un rapport de commission
parlementaire qui a les honneurs de la presse nationale ! Faut-il
que ça bruisse…
Si les questions autour de cette mesure de l’activité publique
commencent à quitter le bois des experts en statistiques pour
arriver dans le champ de la discussion publique, c’est que, finalement,
nous n’avons plus le choix. Nous, les tatillons pénombriens
et autres admirateurs du chiffre, mais plus généralement,
nous, les habitants de France. Le prochain budget du pays sera construit
autour de cette mesure. Le législateur a en effet décidé
en 2001 « de remplacer une culture de moyens (“un bon budget
est un budget qui augmente”) par une culture de résultats
(“un bon budget est celui qui permet, au moindre coût, d’atteindre
les objectifs préalablement définis”) »
(rapport d’information 220 du 2 mars 2005). Cette révolution
budgétaire, c’est la « Lolf ». Ça
devrait bruire.
Lolf ? Loi Organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative
aux lois de finances. Par extension, la Lolf va être l’architecture
qui définira les objectifs du budget, donc ceux de l’action
publique, donc la mesure de l’État. Toute une série
d’indicateurs de mesure, avec tout ce que cela suppose de questions
(ou d’absence de questions) : qu’est-ce qu’une quantification,
quel sens donner à telle variation…? Première mise
en place explicite lors des prochaines discussions budgétaires.
Ça va bruire, c’est sûr.
Or, c’est justement au cœur même de la pénombre
que les bruissements deviennent des bruits. Attendez-vous à ce
qu’elle fasse de plus en plus de bruit, à la rentrée
prochaine, la Lolf.
LES PEINES ET LES NOMBRES
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