Lettre d'information de Pénombre
association française régie par la
loi du 1er juillet 1901 |
Mars 2005 numéro 39[Table
des matières]
NOMBRES EN TETES
Chère Isabelle,
Comme je te l’ai déjà dit, dimanche
dernier, j’ai été à la brocante de Joinville
(ligne RER A). C’est parce que mon amie Janine, que tu ne connais
pas, déménage de son plein gré d’une maison
de Saint Maur à un appartement à Paris. Impossible de
tout emporter. Or, d’après une propriété
d’Archimède, beaucoup de petites choses finissent par
prendre une grande place : en vertu de quoi elle a choisi de
se séparer du beaucoup de petites choses. Et ses enfants ?
Eh bien, c’est comme ça, c’est terrible, les enfants,
ça veut se construire son propre tas de cochonneries sans aide
des parents.
Janine a donc loué un stand à la brocante voisine ;
elle est venue tôt le matin installer un étrange assemblage
de bijoux de pacotille, de vieux sacs (on a réellement fait
des progrès ces 30 dernières années sur les sacs),
de pots à lait - fini les rêves de Perrette -, de tasses,
de verres.
La Première Cliente arrive, attirée justement par trois
tasses à fleurs vaguement pareilles, pour 3 euros le lot :
le prix est sympathique tout de même, mais elle hésite,
c’est 4 tasses qu’il lui faut pour elle, son mari et ses
deux filles. Elle reste sourde à nos arguments d’acheter
une quatrième tasse au stand voisin, 50 centimes d’euro
la tasse délicatement ébréchée qui pourrait
compléter le lot de 3 tasses fleuries. En plus, assortir tasses
à fleurs et tasse ébréchée, c’est
in, c’est tendance (inutile de préciser de quoi, cela
ne se fait plus).
À bout d’arguments, Janine propose de rajouter une paire
de boucles d’oreilles qui semblait intéresser la Première
Cliente, pour le même prix. C’est fun, non ?
Je suis perturbée : Janine croit-elle que la Première
Cliente peut confondre deux boucles d’oreilles avec une tasse ?
Ou alors, est-ce qu’elle l’exhorte doucement à
se débarrasser d’un de ses proches simplement pour une
question de nombre de tasses ?
Et au plan théorique ! Janine sait parfaitement compter,
jusqu’à beaucoup, et connaît les règles
élémentaires du calcul algébrique français
et anglais (elle est bilingue, option sciences).
Comment ose-t-elle ajouter tasses et boucles d’oreilles ?
Et les boucles d’oreilles n’étant pas nulles, même
plutôt jolies, l’addition finale, toujours trois euros,
laisse à désirer !
Et cependant Janine a raison : contre le calcul algébrique,
la Cliente achète.
C’est à n’y rien comprendre pour un professeur
de mathématiques : je ne dirai jamais plus que le calcul
sert pour le commerce et vice versa.
La Dernière Cliente arrive ; elle veut une réduction
de 60 % sur un collier à 50 centimes, en nouilles et coquillettes
vernies incrustées de débris de noyaux, cadeau d’une
fête des mères.
Janine hésite : ce collier-là, dit-elle, il vaut
vrai- ment 50 centimes et pas 20. Mais comment sait-elle des choses
pareilles ? Est-ce une question de pretium affectionibus ?
Et les ordres de grandeur : après tout, 50 ou 20, même
combat.
Je suis perplexe : toi la physicienne, qu’en penses-tu ?
S’agit-il d’une simple contextualisation, réactualisation
de la fameuse loi d’invariance d’Harpagon, « un
sou est toujours un sou, et vice versa » ?
Et garde bien tes boîtes vides de médicaments, on ne
sait jamais.
Je t’embrasse.
Claudine Robert
PENOMBRE 24/24H
L'annonce d'un magasin précise qu'il est ouvert
"7/7 jours". Ca ne se lit pas "sept sur
sept jours", mais bien "sept jours sur sept".
Curieuse écriture. D'autres établissements
affichent "7 jours/7". Curieuse diversité.
Et puis, si nous avons quelques restes du calcul des fractions,
7/7 = 1, ce qui veut dire "tous les jours":
on pourrait avec autant d'exactitude, dire "trois
jours sur trois" ou "421/421". Dans tous
les cas, le commerce en question vous reçoit "5/5".
René Padieu
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