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Lettre d'information de Pénombre

association française régie par la loi du 1er juillet 1901

Mars 2006– numéro 42[Table des matières]

 

CHIFFRES EN FOLIE


Quelques chiffres en ce (encore) début d'année 2006

Quelques éléments chiffrés parus dans la presse dont le point commun est (ou devrait être) de faire réfléchir aux problèmes du comptage.

« Des automobilistes sans permis de plus en plus nombreux » (La Tribune du 2/02/06). Dans la rubrique « Le graphique », en dernière page, « le nombre de con- ducteurs contrôlés sans permis en France ».

Les chiffres :

2003
3'000
2004
10'000
2005
33'000

Soit une multiplication par trois chaque année, taux de croissance de 200 % difficile à battre. Dans cette brève d’environ 500 signes, cette remarque : « La présence accrue des forces de l’ordre sur les routes explique en partie cette croissance. »

« Le délicat exercice du calcul des commandes » (La Tribune du 18/01/06). Avec un sur-titre : « L’ancien record de 1989 n’existe plus officiellement aujour- d’hui ».

Il s’agit de la rivalité commerciale entre Airbus et Boeing et du décompte des prises de commandes, plus précisément des « commandes nettes ». On y apprend que jusqu’à maintenant « les annulations de commandes étaient imputées sur le carnet de l’année de la commande ». Cette méthode aboutissait donc à une correction rétroactive des chiffres des années passées. Elle avait le mérite d’être, non pas indolore pour le constructeur qui voit ses commandes se réduire, mais en tous cas totalement invisible dans les médias et dans la presse autre que spécialisée !

« À l’avenir, d’éventuelles annulations seront répercutées sur le carnet de l’année de l’annulation ». En appliquant cette convention au record de 1 600 commandes (toutes marques confondues) de 1989, un cabinet spécialisé propose le chiffre de 1 134 appareils…

Sans compter (?) que la plupart du temps un même contrat fait l’objet de plusieurs annonces lors des différentes phases de la négociation : déclaration d’intention, protocole d’accord, commande ferme.

« La fiabilité des statistiques en question » (La Tribune du 26/01/06). Il s’agit des chiffres du PIB chinois.

On y apprend que jusqu’en 2003, la grande majorité des experts occidentaux estimaient que la croissance chinoise était surestimée d’au moins 2 à 3 points. Que, depuis cette date, le Bureau national des statistiques a mis en place un double système de récolte de l’information. Et que, « loin de se calmer, les soupçons persistent et portent désormais sur une possible sous-évaluation de la croissance ». Un dirigeant de la Bank of China déclarait la veille à Davos : « le PIB chinois est sous-évalué d’au moins 20 % ».

En ce qui concerne le PIB et le déficit public, tous chiffres particulièrement sensibles, on rappellera qu’on n’a pas besoin d’aller au bout du monde pour trouver des rappels sur le caractère conventionnel de la définition et du calcul de ces chiffres.

Deux exemples :
- la Grèce qui a révisé fin 2004 les chiffres de son déficit public de 1997 à 2003, chiffres dont la révision aboutit malheureusement à faire dépasser le seuil fatidique de 3 % du PIB ;
- encore plus proche de nous, et vers la même époque, le versement par EdF à la CNAV de la « soulte » correspondant au transfert du régime de retraites au régime général vint heureusement alléger le déficit public de 9 milliards d’euros. Mais, lorsque, dans la foulée, l’État recapitalise de 0,5 milliard d’euros, c’est une réaffectation de patrimoine et cela n’a pas d’impact sur le déficit.

« Le virus CME-24 menace des centaines de milliers d’ordinateurs » (Le Monde du 1/02/06).

Où l’on apprend que le virus, plus connu dans les autres journaux sous le nom de Nyxem, outre ses conséquences nocives, a poussé l’amour du travail bien fait jusqu’à avoir un mécanisme de comptage du nombre de machines infectées : lorsqu’une machine est infectée, elle se connecte au réseau et va gentiment incrémenter le compteur d’une page Web.

Bien sûr, le programmeur du virus est un amateur et il a ainsi omis d’inclure un mécanisme permettant d’éviter les doubles comptes. Les experts en infection informatique ramènent donc le chiffre de 8 millions de machines infectées à un effectif nettement plus modeste de 300 000. Ce qui nous donne un facteur correcteur de presque 30, facteur qui, miraculeusement, n’empêche pas les mêmes experts d’établir, sur la base de ces mêmes chiffres, un classement par pays où la France n’arrive qu’en 24ème position pour le nombre de machines infectées.

 

François Sermier