|
||||||||||||||||||||||||
Mars 2006 numéro 42[Table des matières]
TUTTI FRUTTI
Dans un article sur le thème du regroupement familial paru dans le Monde daté du 4 janvier 2006, et intitulé « Le problème n’est pas de contenir les flux mais d’intégrer des générations nées en France », un sociologue, expert de cette question, dit la chose suivante : « La croissance démographique de la France n’est due que pour une part minoritaire (entre un tiers et deux cinquièmes) à l’immigration, l’essentiel résultant de l’accroissement naturel (c’est-à-dire l’excédent des naissances sur les décès). » Première remarque : c’est tout à l’honneur de ce sociologue d‘avoir donné, sur un sujet aussi difficile à quantifier, non pas un chiffre unique mais une « fourchette » (également appelée dans le jargon des statisticiens « intervalle de confiance »). Cependant, cet intervalle est énoncé d’une façon inhabituelle, et pour tout dire, pas facile à comprendre : « entre un tiers et deux cinquièmes ». Il faut en effet faire un petit calcul mental pour réaliser que la proportion de deux cinquièmes équivaut à un pourcentage de 40 %, ce qui est légèrement supérieur à la proportion d’un tiers, qui elle, équivaut à un pourcentage d’un peu plus de 33 %, soit finalement une fourchette comprise entre deux valeurs dont l’amplitude est de presque 7 points (40 % - 33 %). Il aurait été plus simple de dire au lecteur « entre 33 % et 40 % ». Pourquoi cela, alors qu’il est plus simple, à l’inverse, de dire « un tiers » plutôt que « 33% » ? Parce qu’ici, il est question de deux chiffres que le lecteur doit être capable de situer l’un par rapport à l’autre. Or, un tiers (1/3) et deux cinquièmes (2/5) sont des fractions n’ayant pas le même dénominateur. Sauf erreur de ma part, c’est au collège que l’on apprend à comparer des fractions entre elles, en commençant justement par les réduire à un même dénominateur (avec l’aide du PPCM, plus petit commun multiple), afin de pouvoir ensuite comparer leurs numérateurs. Ici, cela revient à transformer respectivement 1/3 et 2/5 en 5/15 et 6/15. Sauf que, une fois qu’on en est arrivé là, on est bien embêté car il n’est pas aisé de visualiser mentalement les proportions 5/15 et 6/15 (ni de visualiser la différence entre les deux, un quinzième) ! Voilà pourquoi les pourcentages étaient préférables ici, du moins si l’expert voulait garder son intervalle de confiance. Ou alors, il aurait fallu renoncer à ce dernier et garder l’une des deux proportions, par exemple « un tiers ». Autrement dit, ne pas simplifier d’un côté si c’est pour compliquer de l’autre. Deuxième remarque : les chiffres de l’expert étaient-ils vraiment de 33 % et 40 % ? On peut penser que non : ces deux pourcentages ont été en effet calculés par l’auteur de ces lignes à partir des proportions initialement citées dans l’interview, à savoir : un tiers et deux cinquièmes. Or, ces deux proportions sont probablement le fruit d’un arrondi de la part de l’expert. Il faut en effet savoir qu’il n’y a pas de chiffre exact dans ce domaine, pour deux raisons : premièrement, le solde migratoire ne peut pas être mesuré, il est simplement estimé ; deuxièmement, la proportion qu’il représente par rapport au solde total varie d’une année à l’autre. On pourrait certes donner un chiffre plus précis en spécifiant l’année, mais il est plus pertinent de donner une sorte de moyenne annuelle, donc un ordre de grandeur. Tout cela aurait mérité d’être dit dans l’article.
Serge Darriné |