La critique qui précède a été écrite en mars 1999, à l’occasion de la parution de l’étude de l’INSEE. Elle était prémonitoire. Dans un éditorial du 31 juillet (Pendant les vacances, la pauvreté continue), Le Monde reprend ces résultats. Il appelle à un renforcement de l’action menée contre la pauvreté. Action qui peut être efficace : " Le revenu minimum d’insertion (RMI), en dépit de ses limites, produit ses effets : selon une étude de l’INSEE publiée au début de l’année, plus de la moitié des allocataires en sortent vers un emploi précaire".
Inutile d’insister sur les fâcheuses conséquences de la brièveté qu’un éditorial impose. On ne peut que rejoindre Roland Pfefferkorn : s’il faut résumer en une phrase, mieux vaut la sienne, parlant de 15% de RMIstes qui s’en sortent. Et l’éditorial en aurait été changé. Le délit était préparé par Le Monde dans son édition du 4 février 1999. Un article de Jérôme Fenoglio rendait compte de l’étude de l’INSEE ainsi : " l’enquête montre surtout que pour plus de la moitié des anciens allocataires, la sortie a été rendue possible par un emploi obtenu par le bénéficiaire lui-même ou par son conjoint. Sur l’ensemble de l’année 1997, 61% des sorties du dispositif se sont ainsi effectuées grâce à l’emploi alors que 23% ont débouché sur un remplacement du RMI par une autre allocation (chômage, invalidité ou vieillesse). "On sent le glissement s’amorcer (de la moitié des sortants à la moitié des anciens allocataires, en attendant la moitié des allocataires), mais rien n’est franchement contraire aux résultats évoqués plus haut. Mais bien sûr, tout se gâche avec le titre : "plus de la moitié des allocataires sortent du RMI vers un emploi précaire". Il y a une grosse différence avec le "plus de la moitié des sorties se font grâce à l’emploi" de l’INSEE, qui cependant avait bien savonné la planche.
Ainsi va la vie du chiffre.
Bruno Aubusson de Cavarlay
Pénombre, Octobre 1999