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Dis-moi quel est ton taux ...

Sur le site Internet de l’INSEE, le 12 janvier 2006, paraissait ceci :

Les infos du jour
+2,6 %
Évol. de l’indice de la prod. industrielle (cvs)
hors énergie et IAA. Nov05

« L’info du jour » pourrait être l’info de tous les jours, les taux se succédant en alternant la hausse et la baisse. Le plus souvent il s’agit du taux de croissance (sous entendu du PIB), mais peuvent arriver aussi en rafale des taux de variation de la production industrielle, de la consommation des ménages, des exportations, tous supposés refléter la vitalité de notre économie.

Parfois, cela ressemble à une guerre de taux, avec le taux du gouvernement, le taux « officiel » retenu pour le budget, le taux de l’INSEE (observé ou prévu), le taux des économistes (chacun pouvant avoir le sien), le taux des organismes internationaux (OCDE, par exemple). Tous diffèrent, encore que par temps de croissance molle, les divergences portent surtout sur la décimale, alors que pour la Chine, la presse nous rapporte des incertitudes sur le nombre de chiffres avant la virgule (plus ou moins de 10 % !). Un dixième de point de plus de croissance, ça peut rapporter gros même si cela ne fait qu’un millième du total : des millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’État et des milliers de chômeurs en moins. Donc, derrière cette guerre des taux, différentes réalités !

Mais, le plus souvent, le lecteur que je suis est vite perdu et les journalistes que je lis ne semblent pas s’orienter plus aisément. Exemple pris dans le Monde du 10 janvier 2006. Un article titré « Villepin parie sur la reprise pour doper son bilan » cite quatre sources (le gouvernement, l’INSEE, l’OCDE, la banque HSBC) et une demi-douzaine d’indicateurs différents faisant plus ou moins état d’une telle « reprise ».

Finalement, face aux incertitudes, le baromètre du moral des ménages semble être la bouée de secours. Là, plus de décimales, un bon résultat toujours négatif, avec des améliorations parfois, mais des résultats négatifs quand même (il y a longtemps Pénombre lançait le fameux : « imaginons le jour où les Français auront le moral à zéro ! »). À tout moment, les Français ont le moral qui se dégrade ou s’améliore, mais dans ce dernier cas, on peut ajouter aussitôt que leur moral reste bien bas (comme dans l’article cité, avec une amélioration de moins 33 à moins 30). En somme, ils diraient : « experts chamaillez-vous tranquillement, nous, Français, gardons fermement le moral à moins quelque chose. »

Or, si un début d’objectivité peut venir d’indicateurs de la production industrielle, du produit intérieur brut ou de la consommation des ménages, il est patent que cet indicateur du moral des ménages n’a pas de grandes vertus statistiques. C’est probablement sa popularité auprès des journalistes qui lui assure une telle longévité. Le moral des ménages est, selon eux, la clef des élections : « c’est sur ce terrain que se jouera la réussite du pari du Premier ministre : obtenir en 2006 un changement notable de l’état d’esprit des Français. M. de Villepin entend rompre avec le pessimisme ambiant et pense que la hausse du taux d’activité permettra de déclencher une spirale de croissance, comme à la fin des années 1990, sous le gouvernement Jospin ». Un indicateur plus sérieux et plus utile que les indicateurs des économistes…

Ne pourrait-on imaginer qu’un jour, un article de journal reprenne l’info du jour de l’INSEE en expliquant un minimum de choses à propos de ces taux : leur définition, leur méthode d’évaluation, donc les différences obtenues entre diverses sources, leur précision (la première décimale est-elle significative ?), leur variabilité (même « cvs », c’est-à-dire corrigé des variations saisonnières, car un indicateur peut donner une courbe en dents de scie et les sauts de court terme n’ont guère de sens pour la tendance). À la décharge des journalistes, il faut dire que l’INSEE ne leur facilite pas trop la tâche : en cliquant sur son site Internet par exemple sur le +2,6 %, s’ouvre un tableau indiquant qu’il s’agit de « l’indice de la production industrielle (NES cvs-cjo, base 100 en 2000), variations en % », que « l’évolution par rapport à octobre est de +2,6 % après -2,8 % en octobre par rapport à septembre (initialement annoncée à -2,4 %) » et que l’on peut choisir entre +2,6 % d’octobre à novembre 2005, ou +0,2 % depuis 3 mois ou +0,1 % depuis un an ! En insistant, s’ouvre bien une annexe méthodologique, mais écrite en dialecte statisticien, dont je ne citerai qu’une phrase en supposant que le lecteur de Pénombre aime la poésie : « Les indices de la production industrielle sont des indices de Laspeyres des volumes de production (pondération constante par les valeurs ajoutées au coût des facteurs de l’année de base). »
Vous imaginez une interview exclusive de Laspeyres au JT de 20 heures ?

Bruno Aubusson de Cavarlay


Pénombre, Mars 2006



Le Monde (La lettre de 12h15, abonnés internet, le 10 janvier 2006) :

La production industrielle française a nettement rebondi en novembre.

Elle enregistre une progression de 3,1 %, selon l’Insee, après un repli de 2,8 % en octobre, sa plus forte chute en six ans. La reprise concerne tous les secteurs : production manufacturière (+2,6 %), biens de consommation (+0,7 %), d’équipement (+2,9 %) et intermédiaires (+2,1 %). L’industrie automobile (+7,1 %) et l’énergie (+6,9 %) affichent les progressions les plus significatives. Les analystes interrogés par l’AFP évoquent cependant une hausse « avant tout technique », une industrie qui « manque d’allant » et qui « profite mal de la demande mondiale ».

 

Le Monde (La lettre de 12h15, abonnés internet, le 16 janvier 2006) :

Nette détérioration du climat des affaires dans l’industrie en décembre.

Il s’établit à 101 points, contre 106 en novembre, selon la Banque de France. Les chefs d’entreprise interrogés estiment que « l’activité industrielle s’est consolidée », mais que le taux d’utilisation des capacités de production s’est replié. Les prévisions d’activité pour les prochains mois sont néanmoins orientées à la hausse. La BdF a par ailleurs confirmé sa prévision d’une croissance de 1,6 % en 2005, et révisé en baisse de 0,1 point, à 0,5 %, celle du 4e trimestre.