DANS LE MONDE du 16 mars 2005 on trouve un article intéressant sur la démographie de l’Allemagne « Le dernier Allemand. Drame national : les Allemands font de moins en moins d’enfants ».
On nous y dit que « le taux de fécondité des femmes allemandes est parmi les plus bas d’Europe : 1,35 % enfant [sic] par femme ». Un peu plus loin il est question plus simplement mais tout aussi non-sensément de « la France avec un taux de 1,9 % ».
Ces nombres ne sont ni des taux, ni des pourcentages, encore moins des « % enfant » ! Parler ainsi c’est comme parler du PIB en litres ou de la distance de la Terre à la Lune en kilogrammes. L’indice en question c’est tout simplement le nombre moyen d’enfants mis au monde par femme.
Ce genre de bourde est malheureusement commune. Les journalistes qui ont entendu parler du taux de natalité ou de divers taux de fécondité qui s’expriment en pour mille, ont tendance à confondre ce nombre d’enfants avec ces indices. Mais ils sont aussi victimes des démographes qui n’ont pas toujours traduit leur jargon en langage compréhensible.
Ces démographes ont deux façons de mesurer ce nombre d’enfants : d’une part dans une génération et, d’autre part, dans une année. En pratique, il commencent par répartir les naissances de chaque année selon l’âge des mères, de 15 à 50 ans environ, et par le fait même, selon la génération féminine. Puis ils ramènent chacun des nombres de naissances obtenues à un même nombre de femmes, à 1 000 par exemple. On parle alors de taux de fécondité par âge. Si l’on somme les taux d’une même génération, lesquels s’étalent sur plus de 30 années d’observation, on obtient le nombre moyen d’enfants mis au monde par cette génération, ce que l’on nomme sa descendance. Ainsi la descendance de la génération française qui a 50 ans en 2005, la génération 1955, est égale à 2,1 enfants. C’est facile à comprendre. Mais cet indice ne nous dit pas quelle est la fécondité actuelle.
Pour mesurer celle-ci les démographes additionnent aussi les taux de l’année la plus récente. Par le fait même ils amalgament des morceaux d’histoire de générations différentes. C’est pourquoi ils ont longtemps parlé d’« indice synthétique de fécondité », voire, plus abscons, de « somme des naissances réduites ». Ils parlent plus volontiers maintenant d’« indicateur conjoncturel de fécondité », car le phénomène peut beaucoup varier d’une année à l’autre. En France, il tourne ainsi autour de 1,9 enfant depuis l’année 2000. Cinq ans auparavant il n’atteignait pas 1,7.
Mais ils auraient dû garder ce galimatias pour eux et parler simplement de « nombre d’enfant par femme l’année XXXX », faisant ainsi la différence avec le « nombre d’enfants par femme d’une génération ».
Alfred Dittgen
Pénombre, Juin 2005