E PENSE que votre association pourrait être intéressée par une réflexion sur l’emploi des expressions comme « deux fois plus » ou encore « deux fois moins » pour dire le double dans le premier cas, et la moitié dans le second. Ces expressions me paraissant depuis longtemps erronées, j’ai approfondi la question à partir du raisonnement très simple suivant. Mais allez-vous partager mon point de vue ?
Fois plus
Supposons que Daniel ait 10 euros et Paul également 10 euros. Paul a donc zéro fois plus d’argent que Daniel, car
10 + 0 x 10 = 10.
Si maintenant Paul a 20 euros et Daniel toujours 10, il aura une fois plus d’argent que Daniel, car
10 + 1 x 10 = 20
Si enfin Paul a 30 euros et Daniel toujours 10 il aura donc deux fois plus d’euros que Daniel, car
10 + 2 x 10 = 30
En conclusion, Kathy dira que quand Paul a 20 euros et Daniel 10, c’est qu’il a deux fois l’argent de Daniel, ou qu’il en a le double, ou une fois plus et quand Paul a 30 euros et Daniel 10, qu’il a trois fois les euros de Daniel ou le triple, ou deux fois plus.
Fois moins
Supposons à nouveau que Daniel ait 10 euros et Paul également 10. Paul a zéro fois moins d’argent que Daniel, car
10 - 0 x 10 = 10
Supposons maintenant que Daniel ait 20 euros et Paul 10. Paul a la moitié moins (et non pas deux fois moins) que Daniel, car
20 - 20/2 = 10
Mais pourquoi ne pas dire simplement : Paul a la moitié de Daniel ? Par contre si au lieu de 10, Paul a 1 et Daniel toujours 10, Kathy n’ira surtout pas dire que Paul a dans ce cas 10 fois moins d’argent que Daniel, car Paul aurait alors une dette de 90 euros, puisque
10 - 10 x 10 = -90
Kathy dira : Paul a le dixième de Daniel.
Ces errements du langage parlé et même écrit sont graves et nombreux ; même des revues sérieuses, des ouvrages scientifiques, des publicités, les journaux télévisés, les emploient continuellement.
Le langage courant peut se permettre beaucoup de choses, comme appeler « tarmac » une voie où circulent les avions et où le revêtement n’est pas du macadam enrobé de goudron, et, si c’est parler français, de dire que suivant la grandeur des tiers, il peut y en avoir quatre dans un verre de picon - citron - grenadine (Pagnol), cela reste une violation des règles les plus élémentaires de l’arithmétique.
C’est ce qu’on peut considérer que nous faisons avec les fois plus et les fois moins.
Serge Chabaud
Pénombre, Avril 2003