Florent, mon charmant petit-neveu, dont je vous ai peut-être déjà entretenus (lorsqu’il était venu avec ses frère et sœurs à Digne, mais je ne crois pas l’avoir nommé alors), et qui a de sérieux problèmes avec sa famille - il faut dire que ma nièce Thérèse, sa mère, a un esprit un peu étroit, et n’a jamais accepté qu’il soit militant d’Act-Up et encore moins sa liaison tonitruante, il y a quelques années, avec un philosophe célèbre, Florent est entré dans mon bureau, agitant un journal au bout du bras.
- Alors là, Mamie, c’est un peu fort !
Il m’appelle Mamie, c’est touchant. Nous lisons ensemble.
Le Monde 22 juin 1993, page une : « Un français sur deux admet le mariage homosexuel […] La tolérance à l’égard de l’homosexualité gagne du terrain en France. En 1986, 54% des personnes interrogées considéraient que l’homosexualité est une manière comme une autre de vivre sa sexualité. Elles sont 67% en 1996. De même 48% des Français estiment aujourd’hui que les couples homosexuels doivent pouvoir se marier. »
Le Monde du 22 juin 1993, c’est bien le même, page onze : « La tolérance des français à l’égard des homosexuels tend à diminuer, près de la moitié (46%) des Français trouvent plutôt choquante l’existence de manifestations telle que la Gay Pride. Cette donnée du sondage réalisé par l’IFOP pour Le Monde résume à elle seule les réticences de la société à l’égard de l’homosexualité […]. On observe un tassement de la tolérance, si ce n’est une légère régression. Autre enseignement : le sujet divise ».
Effectivement, le sujet semble aussi diviser la rédaction. A moins que ce soit une façon d’encourager le lecteur à se forger sa propre opinion en toute liberté. Original, mais un peu déroutant.
- Mamie, ce serait bien si vous pouviez faire quelque chose. Vous devriez écrire un billet dans votre petit journal, ce serait bien…
Je n’ai pas pu résister. Ce sourire cajoleur me rappelle tant quelqu’un.
- Mais tu sais, Florent, je ne sais pas s’ils accepteront.
Il n’a pas écouté ma réponse et s’est enfui aussi vite qu’il était venu. Léger et délicieux.
Clara Halbschatten
Ndlr Vous savez bien, chère Clara, que nos colonnes vous sont toujours ouvertes.
Pénombre, Août 1996