DEPUIS mai 2002, le ministre de l’Intérieur a pris des mesures et commandé des actions destinées à quelque chose comme « lutter plus efficacement contre la délinquance ». Or, je lis ce titre, dans Le Monde daté du 10 décembre 2002 : « Baisse de 5,28% du nombre de crimes et délits en novembre ». Ce qui pourrait me rassurer - la « peur du gendarme » joue de nouveau son rôle. Sauf que c’est en contradiction avec la manière dont ce nombre est constitué.
Comme l’indique l’article en question, « Nicolas Sarkozy […] a annoncé, dimanche 8 décembre, que le nombre de crimes et délits constatés en France par les services de police et de gendarmerie (souligné par moi) en novembre 2002 a baissé de 5,28 % par rapport à novembre 2001 ».
D’où mon étonnement : policiers et gendarmes, tout à la fois agiraient plus et constateraient moins de faits ? Je pense qu’il est judicieux ici de rappeler le « théorème de Demonque » (numéro 10 de la Lettre Blanche), qui s’énonce ainsi :
« Sur une courte période, les statistiques de la délinquance varient en proportion inverse de la popularité du ministre de l’Intérieur auprès des agents chargés du collationnement des données qui les fondent ».
Or l’on sait que - au moins jusqu’en décembre 2002 - la popularité de M. Sarkozy est, en moyenne, forte… Le même article confirme d’ailleurs le théorème de Demonque en indiquant ceci :
« Les progrès sont surtout enregistrés dans les zones couvertes par la police nationale (-8,48 %), les régions sous le contrôle de la gendarmerie enregistrant une hausse de la délinquance (+3,04 %). Il s’agit d’un revers pour la gendarmerie, après une baisse constante entre mai et octobre (de +19,67 % à -0,69 %) ».
Baisse constante, mais régressive… Or, entre juin et novembre, la presse se fit à plusieurs reprises l’écho des récriminations des gendarmes, qui pensaient que le ministre de l’Intérieur prenait plus en compte les revendications et le sort des policiers que d’eux-mêmes. D’où l’on peut se demander ceci : la supposée hausse de la délinquance dans les zones gendarmerie est-elle due à une hausse effective de la délinquance, ou à une baisse de popularité de M. Sarkozy ?
Pour conclure, je m’interroge sur la logique du quotidien Le Monde, précisément du journaliste Piotr Smolar, auteur de l’article : le nombre de crimes et délits recensés étant le reflet, non pas de la délinquance mais de l’activité des forces de l’ordre, il me semble que l’augmentation du nombre de délits constatés, loin de constituer « un revers pour la gendarmerie », prouverait son ardeur à la tâche et son efficacité ; bien plutôt, la baisse chez les policiers prouverait qu’ils s’agitent beaucoup pour un effet nul ou négatif…
Outre ces bons chiffres, M. Sarkozy devait annoncer, lundi 9 décembre sur France 2, les premiers arbitrages dans son plan de redéploiement des forces de police et de gendarmerie sur le territoire. Une dizaine de « réorganisations » serait concernée, en attendant une trentaine d’autres d’ici à la fin de l’année.
Olivier Hammam
Pénombre, Avril 2003