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SDF sans nombre

Rendant compte de la mort de plusieurs personnes par hypothermie, la presse a été amenée à fournir des chiffres sur les SDF (sans domicile fixe)...
 

Avec prudence

"Disparu sans laisser d’adresse, sans employeur, sans existence légale, le SDF tombe dans le trou noir de la statistique nationale. On ne sait plus le recenser. On l’estime. Entre 300 000 et 400 000. Appréciez la précision, elle est à la démesure de l’impuissance publique" (l’Express du 25/11/93).
 

Mieux informé ?

"On s’accorde à peu près sur le nombre des personnes qui n’ont pas de toit : 400 000 dont 10% dans la région parisienne (...) sur les 40 000 sans abris d’Ile-de-France, 15 000 seraient des jeunes femmes âgées de quinze à vingt cinq ans, dont la moitié diplômée". (...) le nombre de SDF et des mal-logés (est) évalué au total à plus de deux millions" (Le Monde du 25/11/93).
 

Comparaisons internationales

"En russe SDF se dit : bomji. Ils sont entre 30 000 et 50 000 à Moscou, soit deux fois plus qu’il y a deux ans et deux fois plus qu’à Paris" (L’Événement du 25/11 /93).
 

Le point de vue du sociologue

Selon le Maire de Paris, il existe trois catégories d’exclus. "Il y a en Ile-de-France en gros 10 000 clochards - des gens qui posent des problèmes sociaux, sanitaires et psychologiques sérieux ; il y a environ 15 000 marginaux qui viennent de l’immigration silencieuse ou qui sont de jeunes toxicomanes à la dérive et enfin, il y a 30 000 à 60 000 personnes victimes du chômage et qui ont perdu espoir" (Le Monde du 27 novembre 1993).

Aucune mesure n’a encore été faite de ces nombres (des estimations sont en cours de réalisation et les résultats non encore disponibles). Les SDF n’étant pas domiciliés, ni comptés à part comme les populations des casernes, hôpitaux... et nomades, échappent à tout recensement. L’introduction de ces nombres permet surtout d’éviter l’angoisse du vide par l’illusion du savoir. Certains préfèrent discourir (et agir) à partir de nombres qu’ils savent inventés plutôt que de se taire (et ne pas agir). La raison statistique a encore de l’avenir.
 

Jean-Luc Le Toqueux
 

 
Pénombre, Décembre 1993