J’APPRENDS PAR LE MONDE du 24 août 2005 que « la publication d’un décret et d’un arrêté permettant à des personnes « bénévoles » d’exercer, dans les blocs opératoires des cliniques [privées], les fonctions d’aides opératoires et d’aides instrumentistes auprès des chirurgiens a créé (…) une vive polémique dans le milieu médical ». Pour les infirmières ce sont des « mesures scandaleuses prises au mépris de la sécurité des patients ». Pour les médecins, il s’agit d’une « très ancienne tradition », à laquelle est donnée aujourd’hui une « garantie supplémentaire de qualité ». La garantie en question résulte d’un examen auquel 2 600 de ces bénévoles se sont soumis en 2003. Mais pour le syndicat des infirmières celui-ci « s’est borné à un questionnaire fermé très succinct et le taux de réussite a frôlé les 99 % ! »
J’aimerais bien me faire une opinion sur cette question, car comme tout le monde, je suis client potentiel de salle d’op., mais j’en suis bien incapable. En revanche, comme pénombrien, je suis interpellé par l’argument consistant à dévaloriser un examen parce qu’il est réussi à 99 %. Une épreuve serait-elle d’autant plus sérieuse que son taux de réussite est bas ? Vieux prof, j’ai fait passer beaucoup d’examens. Mon analyse, assez banale, est que le taux de réussite dépend certes de la difficulté de l’épreuve mais aussi de la qualité des candidats. Celle-ci est variable. Ainsi, un taux élevé peut résulter d’une épreuve (trop) facile, mais aussi du fait qu’on a affaire à une bonne cohorte.
Dans le cas présent, on fait passer une épreuve censée mesurer les capacités de gens qui ont a priori donné la preuve de ces capacités durant des années. C’est un peu comme si on testait la capacité de plombiers à plomber, de menuisiers à menuiser, d’électriciens à électrifier, chez des plombiers, des menuisiers, des électriciens formés sur le tas et ayant plombé, menuisé, électrifié avec succès pendant des années. Le taux de réussite serait forcément beaucoup plus élevé que celui au CAP d’apprentis dans ces domaines, lesquels ont certes suivi un enseignement peut-être plus complet, mais ne sont pas tous très doués ou très motivés et en tout cas n’ont que fort peu d’expérience pratique.
Bref, le 99 % de réussite dans ce cas précis ne me paraît pas un argument pour dénier toute valeur à l’examen en question. N’y aurait-il pas une confusion entre ce 99 % de réussite et le 99 % de certaines élections, choquant, car il est difficilement envisageable qu’un candidat soit à ce point supérieur aux autres qu’il rafle pratiquement tous les suffrages ?
Alfred Dittgen
Pénombre, Mars 2006