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Aux cent coins de l’hexagone

DANS UN ARTICLE du Monde du 19 janvier qui reprend des publications récentes de l’INSEE, on parle d’une population de la France de près de 63 millions d’habitants (62,9) au 1er janvier 2006. Je suis un peu étonné car j’en étais resté au chiffre rond de 60 millions. Certes, je sais que nous avons une des populations, sinon la population la plus dynamique de l’Europe, mais quand même. En fait mes 60 millions concernaient la France métropolitaine, ce que tout un chacun appelle la France quand on ne précise pas, alors que les 63 millions concernent la même France plus ses départements d’outre-mer, ce que signale l’INSEE dans ses publications, mais ce qu’omet de signaler Le Monde. La Croix du même jour ne le précise pas non plus et aggrave son cas en parlant à plusieurs reprises à propos des mêmes chiffres de l’INSEE de « l’hexagone ». Cette figure géométrique qui ne décrit déjà qu’approximativement la France d’Europe est sûrement encore moins pertinente quand il s’agit d’inclure les départements français de la Réunion et d’outre- Atlantique…

Mais après tout, dira-t-on, pourquoi ne pas inclure dans les statistiques de notre pays les personnes des Dom tout autant françaises que celles qui habitent la France métro ? Il ne s’agit évidemment pas d’ignorer ces personnes, mais de savoir s’il faut les mettre dans les statistiques de « la » France ou les compter à part, pour remédier aux multiples problèmes que soulève leur inclusion. Le premier, on vient de le voir, c’est que les journalistes s’y prennent les pieds. Et que penser du lecteur non au fait de ces questions (ceux qui le sont doivent se compter sur les doigts de la main) ?

Le deuxième, c’est qu’il n’y a plus de suivi aisément cohérent à partir du chiffre phare présenté à chaque occasion. Au recensement de 1990, l’INSEE nous a annoncé un chiffre de 56,6 millions d’habitants, pour la France métropolitaine, comme il était d’usage jusque-là depuis plus d’un siècle. Au recensement suivant, celui de 1999 : 60,1 millions pour la « France départementale » (donc y compris les Dom). Allez après cela calculer le taux d’accroissement de la « population de la France » en pensant uniquement à la règle de trois.

Le troisième, c’est qu’en agrégeant des données de réalités aussi éloignées géographiquement, on aboutit à des situations curieuses. Deux exemples simplement. La France métro a 550 000 km2, ce qui il n’y a pas si longtemps donnait une densité d’environ 100 habitants au km2, laquelle est montée maintenant à 110. Eh bien, avec la dernière définition de l’INSEE notre densité ne serait plus que 97, grâce à ou du fait de l’immense Guyane. Mais comment comparer une telle densité avec celle de l’Allemagne ou de la Belgique ? Autre bizarrerie, avec cette définition, le Réunionnais ou la Réunionnaise qui vient s’installer en métropole ne fait qu’une « migration interne », comme le Champenois ou la Champenoise qui s’installe en Île-de-France !

Le quatrième, enfin, si on estime nécessaire d’inclure les Dom dans les statistiques de base de la France, pourquoi ne pas inclure les autres territoires français d’outre-mer ? Les Tahitiens et Tahitiennes seraient-ils moins Français et Françaises que les Domiens et Domiennes ?

Alfred Dittgen

 

P.S. Dans le même article du Monde toujours à partir de chiffres récents fournis par l’INSEE, on parle d’un âge moyen des femmes à la naissance du premier enfant proche de 30 ans (29,7). Faux ! il s’agit de l’âge moyen à la naissance de tous les enfants. La confusion est fréquente dans le public. L’âge moyen au premier enfant est d’environ 28 ans. Cet âge a beaucoup augmenté ces dernières années. Ce n’est pas la peine d’en rajouter.

 


Pénombre, Juillet 2006