Nous nous proposons, dans cette nouvelle rubrique, de mettre en mémoire les prévisions des experts en tous genres pour le court, le moyen ou le long terme qui émaillent le débat public. On a vite fait d’oublier ces prévisions et on les confronte rarement avec les données observées, au moment où l’on peut tenter de le faire. À échéance, Pénombre rapprochera les perspectives des uns et des autres et la « réalité » et cherchera à analyser les écarts. Croissance du produit intérieur brut (PIB), taux de chômage, réduction des déficits de l’État, réduction des impôts, trou de la sécurité sociale, les thèmes ne manqueront pas…
Des parents terribles aux enfants de rêve
Prévisions 1 à 10. Yves Coppens, professeur au Collège de France sait voir loin : « Qu’on cesse donc de peindre l’avenir en noir ! L’avenir est superbe. La génération qui arrive va apprendre à peigner sa carte génétique, accroître l’efficacité de son système nerveux, faire les enfants de ses rêves, maîtriser la tectonique des plaques, programmer les climats, se promener dans les étoiles et coloniser les planètes qui lui plairont. Elle va apprendre à bouger la Terre pour la mettre en orbite autour d’un plus jeune Soleil. Elle va comprendre le processus de l’évolution biologique et comprendre aussi que c’est l’éducation qui rend tolérant […]. Le progrès est une réalité bien vivante ; il faut seulement quelquefois aller le chercher un petit peu plus loin que le bout de son nez ! » (Le Monde du 3 septembre 1996).
Respect pour le critère
Prévision n°11. Déficits publics : « le Premier Ministre (A. Juppé), a maintenant la certitude que le projet de finances pour 1997 respectera le critère de Maastricht concernant le taux maximum de 3% des déficits publics par rapport au PIB (après 4% en 1996) pour parvenir à la monnaie unique. Nous serons au rendez-vous » (Le Monde du 1er septembre 1996).
Barre symbolique en vue
Prévision n°12. Demandeurs d’emploi : « l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que le nombre de demandeurs d’emplois pourrait progresser au minimum de 120000 en 1997, pour atteindre, en fin d’année, la barre symbolique de 3,5 millions de personnes, au sens de l’ancien baromètre » (Le Monde du 1er août 1996).
Prions pour qu’ils aient raison
Prévision n°13. Encéphalopathie spongiforme bovine. « l’ESB aura disparu des troupeaux britanniques d’ici quatre ans sans qu’un abattage massif soit nécessaire, indique un rapport international publié hier dans le journal Nature, par des chercheurs d’Oxford. […] L’épidémie est en phase terminale et le nombre de cas sera « insignifiant » d’ici 2001 ». Enfin rassuré ?
Ces épidémiologistes indiquent que « près d’un million de bêtes infectées ont été consommées avant 1989, date de l’interdiction des abats les plus susceptibles de transmettre la maladie » (Libération 30 août 1996). La veille, le même Libération, sur la foi de l’agence Reuter, publiait à ce sujet, d’autres chiffres : « Reste que le nombre abondant d’animaux malades consommés a de quoi inquiéter.
Il y a eu environ 903000 vaches folles de 1974 à 1995, dont 446000 ont été consommées avant 1989 et 283000 de plus avant que des restrictions plus sévères n’aient été adoptées en décembre dernier ». 446000 + 283000 = 729000. Il nous manque donc 903000 - 729000 = 174000 vaches. Vous suivez ? Ont-elles été consommées ? Si oui elles ont dû être mangées pendant le réveillon du 31 décembre 1995, comptées par les uns et pas par les autres. C’est le fameux problème des frontières en statistique. A propos, on ne nous dit pas si les bêtes furent consommées sur place ou à « emporter » sur le continent.
Victor Descombres
Pénombre, Novembre 1996