--

Ceci n’est pas une politique du chiffre

Dans une nouvelle circulaire adressée aux préfets (NOR : INTK 1400684C du 11 Mars 2014), le ministre Manuel Valls ne parle que d’« éloignements forcés », constitués des « retours contraints hors Union Européenne » et des « réadmissions et renvois au sein de l’UE » : voilà des catégories plus simples, aux noms légèrement euphémiques …
Ainsi peut-on lire : « le nombre de retours contraints hors UE s’est établi à 4 676 soit une hausse de 13 % par rapport à 2012, même si ce nombre, en valeur absolue, demeure faible. Les réadmissions et renvois au sein de l’UE sont quant à eux restés stables (10 793). Le niveau des éloignements forcés atteint ainsi son plus haut niveau depuis 2006. Ces résultats, encourageants, sont la traduction de votre mobilisation qui devra se poursuivre tout au long de l’année 2014 ».
Ceci n’est pas une politique du chiffre. Sachez-le, le ministre l’a clairement affirmé.
Mais c’est clairement une politique …
Alors, et c’est l’objet de la circulaire, comment faire croître le nombre de ces retours contraints et de ces réadmissions ou renvois ?
Eh bien, en définissant de façon exhaustive et plus restreinte les personnes que la France souhaite accueillir, et en renforçant les possibilités de « reconduire les personnes qui n’ont pas droit à se maintenir en France », c’est-à-dire toutes les autres (cf. introduction de la circulaire).
Dans le Jeu de l’Oie administratif du parcours de l’étranger en France, « allez dans la case "retour contraint" », est désormais encore plus direct pour de nombreux étrangers vivant en France, quelquefois depuis longtemps, parents d’enfants dont la nationalité française est douteuse (même sans décision d’un juge judiciaire), étrangers dont le mariage avec un Français ou une Française est douteux, jeunes majeurs isolés arrivés en fraude ou victimes de filières illégales. N’ayant pas « vocation à demeurer en France », ils ont « vocation à être éloignés du territoire », c’est tout.
Quant aux demandeurs d’asile qui n’obtiennent pas le statut de réfugié, ils sont particulièrement visés par cette circulaire, et tant pis pour celles et ceux qui feront tout plutôt que de retourner dans un pays qu’ils ont fui. Pour le ministre, notant 36 000 refus d’asile en 2012 et seulement 19 137 obligations de quitter le territoire français, tout doit être fait à présent pour qu’il n’y ait plus aucun délai entre la décision de refus d’asile et la décision d’éloignement, « pour éviter que se prolonge indûment le séjour en France ». En particulier, « à la demande de l’autorité administrative, le directeur de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides communique à des agents habilités des documents d’état civil ou de voyage permettant d’établir la nationalité de la personne dont la demande d’asile a été rejetée » [rejet définitif, sauf exceptions mentionnées par la circulaire], pour permettre le fameux retour contraint, en priorité dans le pays d’origine.
Ceci n’est pas une politique du chiffre. Sachez-le, le ministre l’a clairement affirmé.
Mais c’est clairement une politique…
Alors, rendez-vous début 2015, pour voir les chiffres montrant les « progrès » de la « politique d’immigration menée par le Gouvernement ».

Karin van Effenterre