Tout va très bien, Madame l’Archiduchesse...
Le 19 décembre 1993, à "L’heure de vérité" (France 2), l’Archiduc Otto de Habsbourg, membre du Parlement européen, répond à Jean-Marie Colombani. Le rédacteur en chef du Monde l’interroge sur les risques que fait courir, à la démocratie, la montée de l’extrême droite en Europe. Réponse d’Otto : "Il y a dans toute société, 2% de criminels et de fous". Analyse d’une concision royale ! C’est bien sa seule qualité. La gravité du problème méritait plus que cette pirouette chiffrée.
Application numérique : si on se réfère aux données du dernier recensement, il y avait en France métropolitaine, le 5 mars 1990, 1 132 290 criminels et/ou fous !
Aux armes citoyens...
Vu dans CFDT Magazine de janvier dernier, une publicité, pleine page, intitulée "Enfin, le foudroyeur en vente libre !". On y lit ceci "une décharge de 100 000 volts pour foudroyer immédiatement votre agresseur" et dans un encadré rose (sic) "en 1992, plus de 3 millions d’agressions en France : personne n’est à l’abri". On ne commentera pas la question des 100 000 volts. Il faudrait acheter l’instrument pour faire la mesure.
En revanche, sur les "3 millions et plus" d’agressions en un an, on a notre mot à dire : MENSONGE ! Le nombre fourni par le Ministère de l’Intérieur, pour 1992, est de 186 568 (homicides, tentatives d’homicides, coups et blessures volontaires, autres atteintes volontaires contre les personnes, atteintes aux mœurs, vols à main armée, autres vols avec violences sans arme à feu). La CFDT prônerait-elle une politique sécuritaire... foudroyante ? De sa part ce serait assez nouveau, et un peu décevant...
Des comptes à dormir debout
Le dimanche 30 janvier, Édouard Balladur annonce la suppression de 22 000 lits d’hôpitaux "inoccupés" ! À terme, 60 000 lits des hôpitaux publics devront disparaître. C’est ce que l’on apprend dans Le Monde du 5 février qui publie un article assez surréaliste sur le sujet. Évidemment médecins et personnels hospitaliers contestent les bases du calcul. Dans ce débat aux allures kafkaïennes, on jongle avec les "concepts" : il est question de "lits autorisés" et de "lits installés", de "lits réellement occupés" et "de lits prétendument excédentaires", de "restructurations à la hussarde" - ce qui signifie sans doute passer les lits par la fenêtre - et même de "reconversion" - là on ne voit pas, sauf peut-être pour les lits-cages ou les lits à barreaux -. Enfin pour régler le litige, le Premier Ministre a décidé de recevoir, sur ce thème, l’ensemble des préfets, sans doute pour refaire les comptes.
Le 11 février, Le Monde rend compte de cette réunion et rapporte des propos de l’entourage du Premier ministre : "il y a les faux lits, qui devront effectivement disparaître ; il y a ensuite les lits pouvant être considérés comme dangereux - certainement des lits superposés. Il y a enfin les lits sous-occupés - les lits où l’on met un malade alors qu’on pourrait en mettre trois ou quatre ?". Comme vous le voyez, le débat conceptuel avance à grand pas.
Le Canard a de saines lectures
Dans sa livraison du 19 janvier, le Canard Enchaîné publie un article, non signé, intitulé "Pasqua tripote le thermomètre de la délinquance". A cette occasion, le Canard rend compte, assez fidèlement d’ailleurs, d’un article paru dans le n° l de Pénombre sur les homicides (et non sur M. Pasqua !). La source indiquée reste sibylline : "de savants spécialistes", flatteur ? ironique ? en tout cas peu précis. Contrairement à ce que le nom de notre association pourrait faire penser, nous ne cultivons pas le goût du secret. Alors, amis journalistes, ne vous gênez pas, quand vous nous citez, dites-le donc, on ne le répétera pas !
Pierre Tournier
Pénombre, Mars 1994