"La vérité luit de sa propre lumière, et on n’éclaire pas les esprits avec les flammes des bûchers". Les apédeutes assurèrent que cette proposition était hérétique, sentant l’hérésie, et que l’axiome contraire était catholique, universel et grec : "On n’éclaire les esprits qu’avec la flamme des bûchers, et la vérité ne saurait luire de sa propre lumière."
Voltaire, L’Ingénu
Le numéro trois de pénombre est un numéro plus assuré. Si l’équilibrisme y est toujours la règle, les prouesses sont moins aventureuses, moins hasardeuses, plus professionnelles. C’est avec une sorte de calme tranquille que ce numéro avance, tel le jongleur, sûr de son fait, qui progresse vers le milieu de la piste, sous un mince trait de lumière, préoccupé par l’exercice et marchant sans vraiment voir où il mettra les pieds.
La place de la littérature dans notre revue est établie, pour autant que les chiffres sont pris dans le langage - "compte" et "conte" n’ont-ils pas la même étymologie ?
Les choses vues, lues et mises à nu reflètent la vie mouvementée des chiffres dans les médias. Le traitement du nombre y est toujours surprenant, comme à un même objet on trouve des utilisations parfois inattendues.
Un article de France-soir est plus particulièrement passé au crible. Notre confrère n’y va pas de main morte, et ne s’embarrasse pas de nuances là où, au contraire, nous affirmons que la prudence et le pas à pas devraient être de règle.
On sera étonné aussi de constater comment, du même chiffre produit par l’Office des migrations internationales, il est rendu compte différemment selon... selon que l’on sera puissant ou misérable, selon que l’on sera blanc ou noir.
Le dossier sur la toxicomanie, du précédent numéro nous vaut une contribution suisse.
Enfin, on suivra avec attention le récit des chiffres donnés par la presse sur la manifestation du 16 janvier. Nous en avons dressé avec minutie une impressionnante collection.
Parmi les réflexions que l’on peut tirer de la lecture de ces textes, il en est une que les acrobates de nos colonnes méditent longuement, c’est qu’avec les nombres il faut savoir jongler, pour pouvoir tomber pile.
Pénombre, Mars 1994