Sur cent personnes :
sachant tout mieux que les autres :
- cinquante-deux,
incertains de chaque pas :
- presque tous les autres,
prêts à aider,
si cela ne prend pas trop de temps :
- quarante-neuf, pas mal,
bons toujours,
parce qu’incapables de faire autrement :
- quatre ; d’accord, peut-être cinq,
prêts à admirer sans envie :
- dix-huit,
poussés à la faute
par cette jeunesse qui passe vite :
- plus ou moins soixante,
avec qui on ne plaisante pas :
- quarante et quatre,
vivant toujours dans l’angoisse
de quelqu’un ou de quelque chose :
- soixante dix-sept,
doués pour le bonheur :
- tout au plus vingt et quelque
inoffensifs quand seuls,
sauvages dans la foule
- plus de la moitié, c’est sûr,
cruels
lorsque les circonstances les y obligent :
- ça, il vaut mieux l’ignorer,
même approximativement,
avisés quand le mal est fait :
- pas plus qu’avant
ne prenant rien à la vie hormis des choses :
- trente, mais j’aimerais me tromper,
recroquevillés, endoloris,
sans lampe de poche dans les ténèbres :
- quatre-vingt-trois,
tôt ou tard,
justes :
- pas mal, au moins trente-cinq,
mais ajoutez à cela l’effort de comprendre :
- trois,
dignes de compassion :
- quatre-vingt-dix-neuf,
mortels :
- cent pour cent.
Chiffre qui, pour l’heure, n’a pu être modifié.
Wislawa Szymborsha
(proposé par Jean-René Brunetière)
Pénombre, Janvier 1998