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Editorial : le niveau monte

"Les disciples de la lumière n’ont jamais inventé que des ténèbres peu opaques."
Robert Desnos, Corps et biens.
 

Rompant avec la monotonie d’un éditorial qui présente le numéro, entrons aussitôt dans le vif du sujet. 
 
 
« Quarante pour cent des enfants ne savent pas lire, inacceptable » tel est le titre de une choisi par Le Point pour fêter son 25e anniversaire (27 septembre 1997). Luc Ferry, président du Conseil national des programmes, nous précise que près de 35% des élèves rentrant (sic) en sixième échouent à « retrouver l’enchaînement logique d’un texte, maîtriser les règles principales du code écrit, utiliser les ressources du contexte. » 9 % des nouveaux collégiens, qui s’ajoutent à ces 35% ne peuvent même pas « tirer les informations ponctuelles d’un écrit ni saisir de qui ou de quoi on parle » parce que tout simplement ils ne savent pas déchiffrer (les expressions entre guillemets sont tirées d’un rapport officiel du ministère de l’Éducation nationale). Luc Ferry ajoute que d’après d’autres sources, 30% des 18-25 ans ne peuvent pas comprendre le sens d’un article de journal portant sur un sujet simple et de conclure, une fois manqués les apprentissages initiaux, notre système éducatif a toutes les peines du monde à organiser le rattrapage.

Quelques pages auparavant, dans le même hebdo, on trouve les résultats de la dernière enquête réalisée par « l’observatoire de l’éducation » mis en place par Ipsos pour Le Point. Titre de l’article, « Enseignement, bilan positif. » Dans ce sondage, on demande à un « échantillon national représentatif de 15 ans et plus, etc. » de noter, sur 10, tel ou tel aspect du système scolaire. À l’item intégration des jeunes dans la société, on trouve une note de 2,7 sur 10, préparation à la vie active 4 sur 10, apprendre à lire, écrire, compter 5,3 sur 10. Lucidité remarquable, puisque c’est à peu près la proportion des élèves qui assimilent les fondamentaux, mais attendez la suite.

On trouve une note de 7sur 10 à qualité de l’enseignement à l’école primaire (là où on devrait apprendre à lire) de 7 sur 10, à adaptation au monde moderne et même 8 sur 10 à apprentissage des langues étrangères. Ipsos a fait la moyenne de tout ce galimatias et trouve que le niveau de satisfaction des français vis-à-vis de leur école monte… de 5 sur 10 à 6 sur 10 en un an. La prochaine fois, Ipsos devrait poser les questions en anglais, les résultats devraient encore être meilleurs. Nous souhaitons à la rédaction du Point un bon anniversaire, en espérant qu’ils auront encore deux ou trois lecteurs dans 25 ans. Quant à Luc Ferry, philosophe, il n’a toujours pas démissionné de la présidence du Conseil national des programmes. Logique, les français d’Ipsos donne 8 sur 10 à la modernisation des programmes.

 
Exercice pratique

Vous êtes un français moyen de 15 ans ou plus. Arrêtez-vous un instant. Vous vous calez bien confortablement dans votre canapé, vous fermez les yeux et vous pensez très fort à « la modernisation des programmes ». Vous respirez, puis vous notez de 0 à 10. Vous trouvez l’exercice idiot ? Malheur à vous, vous n’êtes certainement pas adapté au monde moderne, et toute formule de « rémédiation » (ou de rattrapage si vous préférez) est illusoire.

 
Pénombre, Janvier 1998