J’ai reçu la lettre d’information de Pénombre, connue par l’émission « Esprit public » sur France- Culture, le dimanche à 11 heures. (…)
À titre de contribution à vos archives, je vous adresse ci-joint un extrait du Figaro du 27 décembre 1994 décrivant le processus aléatoire d’élection du doge de Venise. Il m’est venu à l’esprit à cette occasion que la véritable représentation de la population française, au lieu d’élections élitistes, gagnerait à être effectuée par voie de tirage au sort parmi tous les habitants adultes. On aurait, sous réserve d’une taille d’échantillon suffisante, une image fidèle de cette population. Quelque théoricien n’a-t-il pas développé cette idée, qui est appliquée dans le choix des jurés d’assises ? Je vous signale aussi, ce qui ne vous a sans doute pas échappé, l’article de M. Marseille dans Le Point du 6 avril, intitulé « Statistiques, mal en user tue », qui met à mal la croyance ressassée que le taux de chômage dans la population jeune est de 23 %. Cet article connu à temps aurait évité des erreurs politiques et des affrontements ravageurs…
Pierre François Clévy
Élection et patrimoine à la vénitienne
Enterrées les primaires, parce que trop complexes ? Alors que dites-vous de cette vieille recette qui fit ses preuves pendant des siècles ?
Les ingrédients : le siège de la fonction suprême vacant, une grande urne, des boules de cuivre dont trente auront été préalablement dorées, beaucoup de temps et de patience. Faire défiler lentement tous les notables – il peut y en avoir jusqu’à deux mille – devant l’urne. Le « ballotin », jeune enfant, âgé de dix ans au maximum, qui n’a tué ni père, ni mère, ni grands-parents, ni petit camarade, donne à chacun, au hasard, une boule extraite de l’urne.
Seuls les notables qui ont tiré les trente boules d’or demeurent. Tous les autres quittent le « jeu ». Par une « criée », on vérifie que ces gagnants ne sont unis par aucun lien de parenté. On procède alors à un premier tirage au sort qui élimine encore vingt et un noms. Il reste neuf patriciens, qui désignent immédiatement, dans le vivier des deux mille notables, quarante électeurs à nouveau soumis au jeu des boules d’or et limités à douze. Ces heureux élisent à une majorité des deux tiers vingt-cinq électeurs, mais seize d’entre eux sont tout aussitôt écartés par un autre tirage au sort ! Vous me suivez ? Je ne vous ferai grâce d’aucune procédure.
On continue. En lice donc, neuf vainqueurs qui, sans se décourager, élisent à nouveau vingt-cinq membres réduits à neuf, toujours par tirage au sort. Ces « happy few » réélisent sans coup férir vingt-cinq votants que le sort et les boules d’or conjugués ramèneront à onze. À ceux-là incombera (enfin !) la tâche d’élire… les électeurs définitifs. Vous en perdez la boule ? Surtout pas.
Ils choisiront quarante-cinq votants n’ayant pas figuré dans les précédents scrutins, qui entreront en conclave et éliront à une majorité de vingt-cinq voix le Doge, choisi parmi autant de candidats qu’il s’en présentera. Car vous l’avez deviné, nous sommes en République, à Venise. […]
Anne de Lacretelle, Le Figaro, 27/12/1994
Je vous soumets cette magnifique perle (j’ai failli écrire “perf” ce qui aurait été justifié vu sa qualité) : dans Libération du 21 juin 2006, on peut lire un article dont le titre est : « Pour manger, un salarié sur dix a recours aux associations ». Or, dans le corps de l’article, ce qui justifie ce titre c’est le passage suivant : « une personne [ayant recours aux associations] sur dix est salariée ». La logique de Libé sur le coup, c’est que si X % de A sont des B, alors X % de B sont des A ! On pourrait leur suggérer que si 15 % des Français sont gauchers, alors 15 % des gauchers sont Français, ça ne devrait pas les choquer….
Mathias Rocher
Dans le numéro 43 de la Lettre blanche, page 12, Alfred Dittgen disserte sur l’inclusion ou non, et variable selon les années, dans l’affichage des résultats du recensement par l’Insee, de parties du territoire français (celles qui ne sont pas dans la « France d’Europe » pour reprendre l’expression que je ne trouve pas heureuse). La question pourrait aussi se poser à propos du chiffre mensuel du chômage qui exclut les DOM (ça a l’avantage d’en faire moins).
Sans rentrer ici dans le fond du débat, ni sur la question de la République « une et indivisible » (avec égalité devant le droit) selon la Constitution, sa dernière phrase « Les Tahitiens et Tahitiennes seraient-ils moins Français et Françaises que les Domiens et Domiennes ? » m’amène à quelques réactions sur lesquelles je n’ai pas le temps dans ce mail - écrit vite et par une grande chaleur - d’apporter toutes les références. Mais je pourrais répondre « oui », du point de vue des droits, les Tahitiens sont peut-être moins Français que les métropolitains et les Domiens. Et les Domiens un peu moins que les métropolitains.
Les habitants des territoires comme la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et tant d’autres ne bénéficient effectivement pas des mêmes droits (et je ne parle pas des métropolitains de la fonction publique bénéficiant de diverses primes ou dédommagements pour leur exil... en France). Il suffit d’aller sur le site de Légifrance, et sur chaque code, taper des noms des terres d’outre-mer, Dom, Com ou autres...). De nombreux codes ont des « livres » (des chapitres entiers) sur ces territoires, et ce sont les dispositions séparées et mises dans ce « livre » qui s’appliquent (...)
Antoine Math
Bonjour à toute votre équipe, bravo pour vos activités et pour le site ! Je n’ai pas encore localisé Le Tigre mais vais m’y atteler au plus vite. Ayant été délaissé par ma famille durant une partie de l’été, je me suis retrouvé, comme bon nombre d’autres vieux mâles, à errer dans les allées peu familières d’un hypermarché en quête de nourriture. À cette occasion, j’ai découvert que je ne suis pas le seul à me soucier de la qualité des aliments que je consomme. Une grande partie (soyons prudent quant au pourcentage) de mes achats s’est avérée être « biologique, sans colorant ni agent conservateur », etc.
Je vous écris aujourd’hui au sujet des fabricants ou marques de distribution qui semblent avoir choisi l’accroche « X % de sucre/de graisse en moins ». Moi qui d’habitude m’efforce de ne pas tomber dans les pièges (souvent simplistes) des publicitaires, j’étais peu fier quand je me suis retrouvé à mâcher des chips d’une grande marque connue qui vantait son produit comme ayant « 30 % moins d’huile ». Sans avoir fait un examen approfondi du paquet - que j’ai malheureusement jeté depuis - au premier abord je n’ai pas pu savoir « 30 % de moins » que quoi ?
Les vacances étant finies, ma femme aimante de retour derrière les fourneaux (ah, féminisme, quand nous tiendras-tu ?) je n’ai plus l’occasion de faire une étude circonstanciée sur ce phénomène amusant. Par ailleurs, peut-être avez-vous déjà couvert le sujet dans une Lettre blanche ? Si toutefois ce n’était pas le cas, si personne « chez vous » n’a encore été titillé par ces nombres aguicheurs avec lesquels on appâte le chaland, j’espère vivement que quelqu’un trouvera le temps de s’y intéresser.
En regrettant vivement de ne pouvoir contribuer moi-même, et en vous félicitant encore pour votre travail de « salubrité numérique ».
Philip Gordon-Lennox